Catégorie : Culture

  • Mr Jones – film d’actualité

    Mr Jones – film d’actualité

    « Mr Jones », film de la réalisatrice Polonaise Agnieszka Holland, au titre anglais « The price of Truth », bien plus près du thème de l’histoire, est sorti en 2019 et présenté au Festival de l’Ours d’Or à Berlin.

    Un film thriller biographique qui date de quatre ans mais tellement d’actualité. James Norton joue le rôle principal de ce Mr Jones. (Film vu à la BBC ce 19 mars 2023).

    C’est un captivant documentaire dramatisé, l’histoire de Gareth Jones, jeune journaliste et conseiller d’un ancien Premier Ministre Anglais Lloyd George dans les années ’30. Jones avait acquis une certaine renommée ayant fait l’interview de Hitler, et ambitionne d’en obtenir une avec Staline. Mais il va découvrir d’horreur de l’Holodomor, la famine organisée en Ukraine par Staline.

    Souhaitant éclaircir les rumeurs sur « la richesse de la Russie qui se trouve en Ukraine », il quitte la décadence des milieux occidentaux à Moscou, notamment celle des journalistes américains qui jouent la carte d’accords commerciaux éventuels avec l’Union Soviétique. Mr Jones voyage vers l’Ukraine où il est témoin des milliers de paysans dont on a confisque le blé et qui meurent de faim. Il rencontre des enfants réduits à l’état de cannibal en mangeant leur propre frère.

    Mr Jones est arrêté et ramené à Moscou. Des ingénieurs Anglais sont également emprisonnés, gardés comme otages, menacés de mort si l’histoire de la famine est révélée. Un journaliste américain Walter Duranty écrit un contre-article pour nier ces rumeurs et obtient le prix Pulitzer.

    Le journaliste gallois rentre en Angleterre où il traité comme menteur, même par Lloyd George. Il refuse toutes les menaces et persiste à dire la vérité qu’il a vu de ses propres yeux. Personne le croit, même son père lorsqu’il rentre au pays de Galles.

    Tournant des événements quand Mr Jones réussit à rencontrer Randolph Hearst. Le magnat de la presse américaine avait déjà perdu un journaliste, assassiné, qui travaillait sur les mêmes rumeurs. Hearst accepte un article de Jones pour rétablir les faits. La presse mondiale en fait ses gros titres.

    Image ITV

    L’acteur ci-dessus et à droite le vrai Gareth Richard Vaughan Jones, journaliste britannique né en à Barry, au pays de Galles, et tué le en Mongolie-Intérieure.

    A droite la Une du journal London Evening Standard, 31 mars 1933. (Image Fondation Gareth Jones)

    Ce film quasiment en monochrome dépeint d’une manière glaçante l’horreur de la famine en Ukraine, qui subit aujourd’hui l’assaut d’un autre dictateur à Moscou. En le suivant ce film on ne peut éviter de faire le parallèle entre ces années ’30 et l’actualité d’aujourd’hui. Il décrit également le problème, aussi d’actualité, de la vérité de situations dénoncées par une presse d’investigation, contestée par d’autres intérêts, surtout politiques ou économiques. Le débat sur l’objectivité et l’impartialité est d’ailleurs un gros sujet ces derniers mois en Angleterre, notamment sur les mesures prises pour tenter d’arrêter le flux d’immigrants.

    L’histoire de Gareth Jones aurait inspirée l’écrivain George Orwell pour son livre « Animal Farm ». De nombreux passages du film sont illustrés par les mots et la présence même à l’écran de l’écrivain qui a critiqué de manière allégorique la situation de la société de cette période d’entre deux guerres.

    En fin de film, on apprend que le véritable Mr Jones alors en reportage en Mongolie, a été assassiné par un soi-disant guide, en réalité un agent secret de l’état Russe, qui ainsi se venge. Vérité ou fiction…

  • La perte des mots

    La perte des mots

    « La disparition progressive des temps (subjonctif, passé simple, imparfait, formes composées du futur, participe passé…) donne lieu à une pensée au présent, limitée à l’instant, incapable de projections dans le temps.

    La généralisation du tutoiement, la disparition des majuscules et de la ponctuation sont autant de coups mortels portés à la subtilité de l’expression.

    Supprimer le mot «mademoiselle» est non seulement renoncer à l’esthétique d’un mot, mais également promouvoir l’idée qu’entre une petite fille et une femme il n’y a rien.

    Moins de mots et moins de verbes conjugués c’est moins de capacités à exprimer les émotions et moins de possibilité d’élaborer une pensée. Des études ont montré qu’une partie de la violence dans la sphère publique et privée provient directement de l’incapacité à mettre des mots sur les émotions.

    Sans mot pour construire un raisonnement, la pensée complexe chère à Edgar Morin est entravée, rendue impossible. Plus le langage est pauvre, moins la pensée existe.

    L’histoire est riche d’exemples et les écrits sont nombreux de Georges Orwell dans 1984 à Ray Bradbury dans Fahrenheit 451 qui ont relaté comment les dictatures de toutes obédiences entravaient la pensée en réduisant et tordant le nombre et le sens des mots.

    Il n’y a pas de pensée critique sans pensée. Et il n’y a pas de pensée sans mots.

    Comment construire une pensée hypothético-déductive sans maîtrise du conditionnel ? Comment envisager l’avenir sans conjugaison au futur ? Comment appréhender une temporalité, une succession d’éléments dans le temps, qu’ils soient passés ou à venir, ainsi que leur durée relative, sans une langue qui fait la différence entre ce qui aurait pu être, ce qui a été, ce qui est, ce qui pourrait advenir, et ce qui sera après que ce qui pourrait advenir soit advenu ? Si un cri de ralliement devait se faire entendre aujourd’hui, ce serait celui, adressé aux parents et aux enseignants: faites parler, lire et écrire vos enfants, vos élèves, vos étudiants.

    Enseignez et pratiquez la langue dans ses formes les plus variées, même si elle semble compliquée, surtout si elle est compliquée. Parce que dans cet effort se trouve la liberté. Ceux qui expliquent à longueur de temps qu’il faut simplifier l’orthographe, purger la langue de ses «défauts», abolir les genres, les temps, les nuances, tout ce qui crée de la complexité sont les fossoyeurs de l’esprit humain. Il n’est pas de liberté sans exigences. Il n’est pas de beauté sans la pensée de la beauté ».

    Christophe Clavé

  • Mrs Brown – 1997

    Mrs Brown – 1997

    Film directed by John Madden, Nominated for 2 Oscars in 1998 with

    Queen Victoria: Mr Brown.

    John Brown: Yes, ma’am.

    Queen Victoria: You have been told repeatedly not to stand in the courtyard unless requested to do so.

    John Brown: Yes, ma’am.

    Queen Victoria: Then why do you persist in doing it?

    John Brown: Because I think Her Majesty is wrong. If ever there was a poor soul who needed fresh air, it is her.

    Queen Victoria: The Queen will ride out if and when she chooses.

    John Brown: And I intend to be there when she’s ready.

  • Alice Vinocour – Le Monde

    Alice Vinocour – Le Monde

    Alice Winocour, réalisatrice de « Revoir Paris », habitée par les forces de l’inconscient

    « Le Monde » a rencontré la cinéaste qui interroge, dans ses films, la stabilité des relations affectives.

    Par Jacques Mandelbaum Publié le 10 septembre 2022 à 14h00,

    Alice Winocour, en septembre 2019, lors du 67ᵉ Festival international du film de Saint-Sébastien, en Espagne.

     

    Alice Winocour, en septembre 2019, lors du 67ᵉ Festival international du film de Saint-Sébastien, en Espagne. ANDER GILLENEA/AFP

    Alice Winocour arrive souriante et légère en ce recoin, dissimulé aux regards, du café de la rue de Turenne, à Paris, où elle a ses habitudes. Réalisé en pleine canicule, l’entretien ne va pas tarder, lui non plus, à s’alourdir.

    On est là pour parler de Revoir Paris, son nouveau film, de ce qui l’a amenée à s’intéresser aux attentats terroristes de 2015, plus encore à la condition de ses survivants, avec leur vie à ravauder, désormais, à l’ombre du post-traumatisme. Il apparaît très vite que de profonds soubassements familiaux, à plusieurs étages, déterminent son mouvement vers le film. Si leur évocation vient fortement lors de notre rencontre, un crochet est toutefois nécessaire pour les faire résonner dans la vie et l’œuvre de la cinéaste. Lire aussi : Article réservé à nos abonnés « Revoir Paris » : après l’attentat, enquête dans la mémoire d’une victime

    Cette Parisienne de 46 ans a mis un certain temps à plonger dans la carrière. Pourtant, elle vit une enfance baignée par le cinéma : « Mes parents, un peu hippies et très cinéphiles, pensaient qu’on pouvait à peu près tout montrer aux enfants. J’ai vu très tôt beaucoup de films et noué une relation intime et obsessionnelle avec le cinéma. Psychose, par exemple, d’Alfred Hitchcock, est devenu notre film de chevet avec mon frère, on se le passait tous les jours, il était au centre de nos jeux. J’ai du coup un rapport moins intellectuel que nerveux, sensoriel, au cinéma. » Elle n’en part pas moins étudier durant quatre ans le droit pénal à l’université d’Assas : « Je n’allais quasiment pas aux cours, j’étais au cinéma toute la journée, mais, dans ma tête, j’allais bien sûr être avocate. »

    Alice Winocour, réalisatrice : « J’ai du coup un rapport moins intellectuel que nerveux, sensoriel, au cinéma »

    L’entrée à la Fémis, prestigieuse école de cinéma, dont elle tente le concours comme un « pari », corrige le tir, encore qu’elle s’inscrive de prime abord dans la section scénario. Il faudra, là encore, que ça décante. Alice Winocour croit à la puissance de l’inconscient. Il a guidé « à peu près toutes les choses que j’ai faites dans ma vie », dit-elle. Et c’est en écrivant le scénario d’Augustine pour quelqu’un d’autre qu’elle se rend compte qu’elle veut le réaliser. Le film sort en 2012, elle a 36 ans. Il met en scène la relation entre le professeur Charcot et la jeune patiente issue des milieux populaires qui va lui permettre de poser les fondements de l’hystérie. C’est moins la découverte médicale qui préoccupe la cinéaste que ce mélange d’attirance et d’empêchement, de sujétion et de révolte, qui met sous tension deux corps proches.

    « Le trauma en héritage »

    L’intégrité des personnages, la stabilité des relations affectives sont des choses perpétuellement inquiétées dans son cinéma. Il n’est qu’à voir les films qui suivront. Maryland (2015) rapproche un garde du corps traumatisé par la guerre de sa riche cliente. Proxima (2019) fait de même d’une mère spationaute à la veille d’une mission et de sa fille.

    Dans Revoir Paris, Virginie Efira et Benoît Magimel sont deux rescapés qui avancent l’un vers l’autre comme à tâtons. Comme il en va pour ses autres films, Alice Winocour n’aime pas trop rationaliser la genèse du projet. Elle dit que les images viennent à elles. De la même manière, sans doute, que les mots qui s’invitent dans notre conversation. Le grand-père juif, tant aimé, propriétaire d’un cinéma à Paris avant la seconde guerre mondiale. Sa déportation à Auschwitz. L’assassinat de ses parents. Son retour miraculeux à Paris et sa rencontre avec sa future femme à l’hôtel Lutetia, alors qu’elle cherchait parmi ces revenants son propre père, déporté, lui, sans retour.

    « Notre nom, Winocour, est juif ukrainien et veut dire “bouilleur de cru”. Je n’en ai jusqu’à présent que peu parlé, mais c’est une histoire qui est constitutive pour moi. Mes grands-parents se sont aimés sur fond de catastrophe. Mais ils n’ont pas voulu transmettre cette expérience. C’est un peu comme si on m’avait légué le trauma en héritage. »

    A cela faut-il ajouter que le frère d’Alice Winocour figurait parmi les otages du Bataclan, le 13 novembre 2015 ? C’est sous son regard attentif, et sans doute sous celui des nombreuses âmes errantes de sa famille, que la réalisatrice a tourné. Voilà pourquoi, sans doute, elle filme si bien la fraternité indéfinissable de ceux qui ont côtoyé la mort, la vie reconduite avec les fantômes de ceux auxquels on a survécu, l’horreur comme ferment d’une humanité meurtrie mais portant mieux son nom.

    Jacques Mandelbaum

  • Merci de m’avoir tenu la main

    Merci de m’avoir tenu la main

    « Revoir Paris » de Alice Vinocour présenté à Cannes en 2022

    « Un diamant au cœur » du trauma. Des moments exceptionnellement ressentis, dans ce cas le vécu de gens victimes d’un attentat terroriste, qui sont effacés de la mémoire et qu’on essaie de retrouver pour se reconstruire.

    Ces instants d’une vie et de l’inconscient peuvent aussi être bien moins dramatiques mais également bien difficiles à surmonter. J’en ai connu.

    C’est un film magistral de sensibilité, dans les images, dialogues, bande sonore, ses vues de la capitale et l’excellente distribution avec les principaux personnages:  l’actrice Virginie Efira, toujours aussi expressivement belle et également très convainquant, son partenaire Benoit Magimel.

    Très belle critique de Bande à Part, par Anne-Claire Cieutat, publié le 7/9/2022 – Film que j’ai vu le 9/3/2023.

    Ce sont les premiers gestes du matin. Mia, avant de se rendre à la Maison de la radio, où elle œuvre en tant que traductrice russophone, arrose ses plantes sur son balcon, brise un verre en voulant se servir du café, saisit une pomme, qu’elle emporte dans son sac. Des actes en apparence anodins qu’Alice Winocour filme en apportant une densité particulière à la texture même de ses images (grâce, notamment, à un léger travelling avant sur la panière de fruits), qui mobilise notre présence de spectateur. Quelque chose, dans les premiers instants de Revoir Paris, raconte d’emblée le caractère précieux et fragile de ce qui constitue nos vies quotidiennes : ces petits points d’appui qui, à la faveur d’une maladresse matinale, menacent de se dérober, comme annonciateurs de ce qui va suivre.

    Ainsi Mia se retrouvera-t-elle, le soir-même, au cœur d’un sanglant attentat. Dans ce restaurant où elle se réfugie en attendant la fin d’une averse, sa vie, comme celle de celles et ceux qui s’y trouvent, va brutalement basculer. Sur ce traumatisme d’ampleur, sa mémoire jette un voile protecteur : Mia ne se souvient de rien dès lors que les premiers tirs ont retenti. Tout l’enjeu du film consiste à lever progressivement ce voile en reliant entre eux les éblouissements de sa conscience et dessiner la trajectoire de cette courageuse et complexe enquête intérieure.

    Alice Winocour, une fois encore, filme une héroïne. Comme Sarah et sa combinaison d’astronaute dans le sublime Proxima, Mia ne quitte pas sa veste de motarde, qui lui confère la carrure d’une guerrière. Ses cheveux noués en une queue de cheval serrée libèrent le visage de Virginie Efira, sa magnifique interprète, que la réalisatrice filme comme un écran sur lequel se reflète le monde – un peu à la manière de Christopher Walken, lui aussi spectateur de sa mémoire dans Dead Zone de David Cronenberg, que la réalisatrice a suggéré à la comédienne de regarder. Car la beauté de Revoir Paris est de toujours savoir mettre en résonance cinématographiquement sa protagoniste et ce qui l’entoure – ce que soulignent aussi la musique envoûtante (mais un brin trop présente) de la Suédoise Anna von Hausswolff et le délicat travail sonore de Jean-Pierre Duret et son équipe. En tentant de retracer ce qui lui est arrivé ce soir-là, Mia ouvre les portes d’un monde qu’elle entrevoyait à peine jusqu’alors. Comme tant d’autres… Ces sans-abri, ces sans-papiers de la Porte de la Chapelle ou du quartier Stalingrad sont aussi des personnages de ce film qui donne à voir un Paris à deux vitesses, où les classes sociales cohabitent sans dialoguer. Les mains aux couleurs de peau contrastées qui se serrent dans le noir sont un leitmotiv du film, un rempart puissant contre l’obscurantisme menaçant, une manière de se maintenir dans le monde des vivants. À cet égard, le dernier plan, célébrant l’idée du lien, est très émouvant.

    Ce qui y conduit est un remarquable travail de la lumière, signé Stéphane Fontaine. D’un bout à l’autre du récit, les images de Revoir Paris scintillent, en jouant, notamment, sur des points lumineux mobiles à l’arrière-plan dans plusieurs scènes. De jour comme de nuit, la vitalité de la capitale et des personnages se fait sentir par ce mouvement permanent subtilement suggéré par la photographie et des séquences réalisées, à la manière d’un reportage, en immersion dans la ville. Si la mort rôde ici, si les fantômes peuplent la mémoire de Mia et des rescapés qui avancent dans les limbes, au risque de ne plus pouvoir communiquer avec celles et ceux qui ont été épargnés par le drame, la vie est là et bien là. En témoigne l’humour dont fait preuve Thomas, autre victime qu’incarne dans un parfait dosage de puissance et de vulnérabilité Benoît Magimel.

    Un seul bémol : les quelques plans face caméra, dont un, trop insistant, sur une jeune fille en pleurs, qui semblent un peu artificiels et nuisent légèrement à la fluidité de l’ensemble.

    Toujours est-il que Revoir Paris est l’œuvre d’une hypersensible, touchée de près par les attentats du 13 novembre 2015 (son frère, auquel le film est dédié, fait partie des rescapés du Bataclan), qui a su trouver « le diamant au cœur du trauma », pour citer un psychiatre qu’elle a rencontré, et raconter comment la résilience peut opérer grâce à la force du collectif. Sur ce sujet essentiel, c’est un très beau film de cinéma.

  • L’intégrité – Pasolini

    L’intégrité – Pasolini

    ′′ Je suis un homme ancien, qui a lu les classiques, qui a récolté les raisins dans la vigne, qui a contemplé le lever ou la chute du soleil sur les champs. (…) Je ne sais donc pas quoi en faire d’un monde créé, par la violence, par la nécessité de la production et de la consommation. Je déteste tout de lui : la précipitation, le bruit, la vulgarité, l’arrivée. (…) Je suis un homme qui préfère perdre plutôt que de gagner par des manières déloyales et impitoyables. Et la beauté c’est que j’ai l’effronterie de défendre cette culpabilité, de la considérer comme une vertu. ′′

    Pier Paolo Pasolini

  • Responsabilité du journaliste

    Responsabilité du journaliste

    « (…)les hommes de médias devraient prendre leur place, toute leur place, et réfléchir sérieusement aux notions de neutralité et de responsabilité. De nombreux acteurs desdits médias ont, en effet, une fâcheuse tendance à se retrancher derrière leur « nécessaire » neutralité pour nous présenter des reportages sans enquête sérieuse, des informations « brutes », sous prétexte que l’auditeur saura juger de lui-même. Ils oublient simplement – ou feignent d’oublier – qu’un esprit critique s’exerce à vide s’il n’est pas suffisamment informé et informé de façon suffisamment objective. « 

    (Georges Charpak, in H.Broch & G.Charpak, Devenez sorciers, devenez savants)

  • L’histoire de ma femme

    L’histoire de ma femme

    L’Histoire de ma femme: le déshonneur d’un capitaine

    Le Figaro, publié le 15/03/2022 – Film vu le 4/3/2023 – Très beau et réflexion sur la complexité des rapports entre les hommes et les femmes. Léa Seydoux est SUPERBE!

    Dans cette puissante adaptation de L’Histoire de ma femme, Gijs Naber et Léa Seydoux incarnent un couple passionnel dont le duel amoureux est irrigué par une beauté romanesque. Film présenté à Cannes 2021.

    On parie? Jakob épousera la première femme à entrer dans ce café. Son copain hausse les épaules. Son scepticisme ne durera pas: après une fausse alerte, Léa Seydoux pousse la porte. Le capitaine de navire lui demande sa main. Elle est d’accord. Telles étaient les rencontres, dans les pays nordiques, au cours des années 1920. Lizzy, c’est quelque chose. Cette Française pourrait sortir d’un roman de Fitzgerald, avec son sourire en Technicolor, sa chevelure auburn, et l’air de celle qui en a vu d’autres. Banco. L’avenir ne lui fait pas peur. Il faut la voir danser le fox-trot – un tourbillon de sensualité. Jakob en reste bouche bée. Il n’est pas au bout de ses surprises.

    Est-ce bien prudent de partir en mer pour de longues périodes dans ces conditions? Là, il est chez lui. Il lui faut l’océan, l’horizon, les étoiles. À terre, sa maladresse saute aux yeux. Elle le dessert. Quel balourd! Toujours à soupçonner son épouse des pires infidélités. Elle devrait se demander pourquoi ses hommes le respectent, admirer son courage et son professionnalisme à bord. Il n’y a que lui pour sauver un bâtiment en flammes, dompter les éléments et la météo. À Paris et à Hambourg, il est comme l’albatros de Baudelaire. Les brasseries, les salons se transforment en enfer capitonné. C’est un enfer qu’il se construit lui-même.

    L’Obs: critique du 16/3/2022 – écrit par Xavier Leherpeur

    Après « Corps et âmes », ours d’or inattendu et discutable reçu en 2017, la cinéaste hongroise persiste dans la voie d’un cinéma esthétique et évaporé, aux confins du travail d’antiquaire. Dans cette adaptation d’un roman de 1942, tout est à sa place, du moindre bouton de corset aux tasses à café, quand débute cette histoire d’amour. Un capitaine au long cours fait le pari d’épouser la première femme qui franchira le seuil de l’établissement. Début d’une passion qui ne résistera ni aux doutes d’un mari souvent absent ni au désir d’émancipation de sa nouvelle épouse. Même si la longueur (près de trois heures) est injustifiée, le film montre bien, lorsque survient l’amant potentiel, la perversité et l’ambiguïté étouffante du ménage à trois en devenir. Le style faussement étriqué est une métaphore de la morale de l’époque. 

  • Souvenir anniversaire SPOT-1

    Souvenir anniversaire SPOT-1

    Il y a 37 ans. C’était un 22 février, 1986… le lancement du premier satellite SPOT par la dernière Ariane-1. Le vol V16 a été le premier à mettre un satellite en orbite héliosynchrone.  (Il y avait aussi le petit Viking). SPOT-1 qui quelques mois plus tard en avril fournit les premières images de la catastrophe de Tchernobyl. SPOT, et que de chemin parcouru dans l’observation de la Terre!

    Photo souvenir avec tant de visages qu’on a bien connu. SPOT, aka le « Satellite Pour Occuper Toulouse » – et j’ajoute: pour passionner les journalistes de la ville rose pour d’autres dans la série. J’ai « laissé passer » haha SPOT-2 avant d’officier comme commentateur de lancement depuis Kourou pour le troisième.

    Souvenirs que je dois à une bonne et fidèle amie, Catherine Rabu Le Cochennec !!

  • Pale blue dot – Carolyn Porco

    Pale blue dot – Carolyn Porco

    How the Celebrated “Pale Blue Dot” Image Came to Be

    Voyager 1’s poignant photograph of the distant Earth as the spacecraft sped toward interstellar space happened just 30 years ago. Remastered image of Earth as a pale blue dot, seemingly embedded in a ray of sunlight scattered in the optics of the camera. Credit: NASA and JPL-Caltech

    Article by Carolyn Porco published in Scientific American 13th Feb 2020

    Thirty years ago, on February 14, 1990, the Voyager 1 spacecraft directed its cameras to take one last historic array of planetary images. Sitting high above the ecliptic plane, nine years and three months beyond its last planetary encounter with Saturn and four billion miles from the sun, farther than the orbit of Neptune, the spacecraft intercepted and executed a set of instructions to acquire 60 individual exposures of seven of the eight planets, the sun and the vast nothingness in between. This simple sequence of commands and these last images of the of tens of thousands taken by Voyager 1 and its sister craft, Voyager 2, in their journeys across the solar system, capped a groundbreaking era in the coming of age of our species.

    A daring, endless trek to the outer planets and beyond, the Voyager mission became iconic over the years in its scope and meaning: more rite of passage than expedition, more mythic than scientific. The extraordinary images of alien worlds never before seen, and the precognitive sense of being there that they evoked, connected laypeople the world over to Voyager’s historic pilgrimage into the unknown, with eternity the final port of call. It was not folly to feel that the mission would gift us all a measure of immortality.

    The fabled Golden Record of Voyager heightened the fascination. The two Voyagers each carried a phonograph record of images, music, and sounds representative of our planet, including spoken greetings in 55 languages to any intelligent life-form that might find them. This was a message from Planet Earth vectored into the Milky Way—a hopeful call across space and time to our fellow galactic citizens. It thrilled to think that news of us and our home planet might be retrieved by some extraterrestrial civilization, somewhere and sometime, in the long future of our galaxy.

    Because of its never-ending journey, its dazzling scientific discoveries in the solar system, and its human-forward countenance, to participants and onlookers alike, Voyager became symbolic of our acute longing to understand our cosmic place and the significance of our own existence. It left no question of our status as an interplanetary species. It is, even today, the most revered and beloved interplanetary mission of them all, the Apollo 11 of robotic exploration.

    Perhaps the most poignant gesture of the Voyager mission was its final parting salute to its place of birth. The portrait of the sun’s family of planets taken in early 1990 included an image of Earth. Carl Sagan, a member of the Voyager imaging team and the captain of the small team that had produced the Golden Record, had proposed this image to the Voyager project in 1981. He eventually called it, appropriately, the Pale Blue Dot. His motivation is expressed in his book of the same name, in which he describes wishing to continue in the tradition begun by the famous Earthrise images of the Apollo program, referring specifically to the one taken from the surface of the moon by Apollo 17. Then, he continues:

    It seemed to me that another picture of the Earth, this one taken from a hundred thousand times farther away, might help in the continuing process of revealing to ourselves our true circumstance and condition. It had been well understood by the scientists and philosophers of classical antiquity that the Earth was a mere point in a vast encompassing Cosmos, but no one had ever seen it as such. Here was our first chance.

    Though Carl had convinced a small group of Voyager project personnel, and imaging team leader Brad Smith, to provide the required technical, planning, and political support, the project leaders were not willing to spend the resources to do it. Carl’s 1981 proposal was rejected, as were his other proposals over the following seven years.

    Completely unaware that Carl had initiated such an effort, I was independently promoting the very same idea—to take an image of the Earth and the other planets—soon after I became an official imaging team member in late 1983. I had in mind the sentimental “goodbye” that would lie at the heart of any image taken of our home planet before Voyager headed out for interstellar space, and the perspective it would give us of ourselves—our small and ever-shrinking place in Voyager’s ever-widening view of our cosmic neighborhood. Also, the “cool factor” in presenting a view of our solar system as alien visitors might see it upon arrival here was another draw.

    For two years, I hawked the idea around the project and, not surprisingly, like Carl, got nowhere. But Voyager’s project scientist, Ed Stone, did his best to encourage me by advising that if there was some science to be obtained by an image of Earth, it might then be possible. As I couldn’t think of any, I gave up and began instead thinking of other scientific observations of the inner solar system that could be made from the outer solar system. The result: In 1987 we used Voyager 1 to attempt to image the asteroidal dust bands discovered by the Infrared Astronomical Satellite in 1983. Regrettably, nothing was detected.

    It wasn’t until 1988 that I finally became aware of Carl’s proposal. After telling him that I had had the same idea a few years earlier—and, like him, tried and failed to get it jump-started—he requested my help, suggesting that I compute the exposure times. (A letter I wrote to Carl after our conversation, in 1988, summarizing that conversation and reporting on my calculations, is archived in the Library of Congress.)

    It is an ironic historical footnote to this story that the most difficult calculation of the bunch was the exposure for the Earth. As no spacecraft had ever taken an image of Earth when it was smaller than a pixel, and since the cloudiness of its atmosphere is so variable that its inherent brightness is hard to calculate or predict, there was no information available then to suggest confidently how long an exposure should be. Somehow, it all worked out.

    The Pale Blue Dot image of Earth is not a stunning image. But that didn’t matter in the end, because it was the way that Carl romanced it, turning it into an allegory on the human condition, that has ever since made the phrase “Pale Blue Dot” and the image itself synonymous with an inspirational call to planetary brotherhood and protection of Earth.

    And we did all that—on July 19, 2013.

    “The Day the Earth Smiled” image, with our planet visible below Saturn’s rings. Credit: NASA, JPL-Caltech,  Space Science Institute and CICLOPS (Cassini Imaging Central Laboratory for Operations).

    I called it “The Day the Earth Smiled.” It became a gorgeous image of Saturn and its rings in the foreground and our blue ocean planet, a billion miles in the distance, adrift in a sea of stars.

    The significance of images like this—our home seen at significant remove as a mere point of blue light—lies in the uncorrupted, unpoliticized view they offer us of ourselves, a view of all of us together on one tiny dot of a planet, alone in the blackness of space. Our scientific explorations, and images like this, have shown us that thereis literally no place else for us to go, to survive and flourish,without extraordinary, and I would submit, unrealizable effort.

    Science fiction aside, it may really be that humanity’s last stand is right here on Earth, right where it all began, and the lesson going forward now is: We had better make the best of it.

    Carl was right. As he wrote in 1994: [The Pale Blue Dot] underscores our responsibility … to preserve and cherish the pale blue dot, the only home we’ve ever known.

    In August 2012, in another historic first, Voyager 1 escaped the magnetic bubble of the sun, becoming the first human-made object to enter interstellar space. That glorious historic undertaking, that redefined us every step of the way, had done it again. At that point, our species became interstellar. Thanks to Voyager, we are now card-carrying citizens of the Milky Way.