L’explosion d’une fusée endommage gravement la plate-forme marine de lancement Sea Launch

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Dans la langue des industriels du secteur spatial, cela s’appelle une “anomalie”. Sur les images disponibles, avant la coupure abrupte de la retransmission vidéo, c’est une boule de feu, qui a partiellement détruit la plate-forme de lancement du consortium Sea Launch, mercredi 31 janvier, dans l’océan Pacifique. La base spatiale marine a été le théâtre de l’explosion, au moment de la mise à feu, d’une fusée Zénith, qui devait placer en orbite géostationnaire un satellite néerlandais de télécommunications.

Aucun blessé n’est à déplorer : avant chaque tir, les équipes de Sea Launch sont transférées par précaution dans un navire de commandement, qui se poste à plusieurs kilomètres de la plate-forme Odyssey. Mais les dégâts subis par celle-ci paraissent considérables.

Sea Launch connaît là son premier revers d’ampleur. Certes, en 2000, un vol avait avorté à cause d’une valve défaillante sur la Zénith, entraînant la destruction d’un satellite de communications. Mais le consortium avait jusqu’ici assuré un service opérationnel satisfaisant, avec 22 lancements menés à bien depuis le premier tir, en 1999, et une capacité d’emport approchant les 5,5 tonnes. Six satellites devaient être lancés en 2007.

Le scepticisme était pourtant de mise, en 1995, lors de l’annonce de ce projet extravagant : utiliser une ancienne plateforme pétrolière comme base de lancement spatial mobile, et faire la navette entre Long Beach, Californie, et le milieu de l’océan Pacifique, près de l’équateur, pour profiter au maximum de l’effet de fronde dû à la rotation de la Terre et lancer à moindre coût des satellites à 36 000 km d’altitude.

Pourtant les acteurs en présence n’avaient rien de doux rêveurs. L’américain Boeing, l’armateur suédois Kvaerner et deux constructeurs de lanceurs spatiaux, l’ukrainien Yuzhnoye-Yuzhnash et le russe Energia, se sont entendus pour tailler des croupières à la fusée russe Proton, qui a pour partenaire Lockheed-Martin, mais surtout à l’européenne Ariane.

ACCORDS DE COOPÉRATION

L’accident de mercredi ne devrait pas peiner cette dernière, tant le marché des lancements est tendu. Mais il pourrait la contraindre à modifier son propre calendrier de lancement. Arianespace et Sea Launch sont en effet liés par des accords de coopération. Ceux-ci prévoient qu’en cas de défaillance d’un lanceur les opérateurs de satellites peuvent s’adresser à son homologue.

“A deux occasions, Ariane n’était pas disponible et il a été fait appel à Sea Launch”, indique ainsi Jean-Yves Le Gall, directeur général d’Arianespace. Selon lui, il est encore trop tôt pour savoir si la réciproque aura lieu. “La plate-forme flotte, mais nous n’avons encore aucune idée de l’état des installations”, précise-t-il.

Les spéculations sur les causes de l’accident abondent. Peu avant l’explosion, les images montrent un affaissement de la fusée, comme si elle s’était effondrée sur elle-même. S’est-elle décrochée du mécanisme qui doit la maintenir en position verticale jusqu’à ce que la poussée soit suffisante ? Est-elle passée à travers le plancher de la barge ? A-t-elle été victime d’une panne de turbopompe ? Sea Launch a annoncé la constitution d’une commission destinée à déterminer l’origine de sa désintégration.

Les concepteurs d’Odyssey – un énorme catamaran de 133 mètres de long sur 67 de large, pour 50 000 tonnes de déplacement, ballasts pleins – avaient envisagé dès l’origine une explosion sur le pas de tir. Selon eux, seul l’arrière de la plate-forme risquait alors d’être détruit. Les ingénieurs estimaient qu’Odyssey pourrait survivre à une telle catastrophe. Le laconisme persistant du consortium ne permet pas de savoir s’ils ont péché par optimisme.

Jérôme Fenoglio et Hervé Morin
Article paru dans l’édition du 02.02.07.

Updated/maj. 03-02-2007

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