Catégorie : Photographes

  • Apprécier Lee Miller

    Apprécier Lee Miller

    Je la connaissais déjà par ses photos, par ces résumés trop brefs d’une personnalité au multiples facettes : jeune fille, ayant posé nue pour son père, mannequin aux États Unis, rencontre avec Man Ray à Paris, curieux mariage avec un riche égyptien, retour à Londres et employé par Vogue, photographe de guerre sous uniforme US.

    Mais après avoir regardé sur ARTE le documentaire, réalisé par Teresa Griffiths, sur Lee Miller, je suis sûr de la connaître infiniment mieux. Je me l’avais déjà classé dans mes collections de grands photographes, découvrant au fil des mois, de nouvelles images que j’appréciais avec délectation. Aujourd’hui je m’attache, avec d’autant plus d’admiration, à l’histoire extraordinaire de cette femme.

    Lors de l’époque parisienne dès 1929, Lee Miller avait été la muse et compagne de Man Ray. Mais aussi Roland Penrose, un écrivain, du mouvement surréaliste. Le documentaire est en grande partie basé sur la biographie écrite par leur fils. A la mort de Lee Miller en 1977, Antony Penrose découvre dans les greniers de la maison familiale dans la campagne du Sussex, des boites de photos dont il ignorait l’existence. Il découvre des pans entiers de la vie de sa mère qu’elle avait caché. Il comprends son itinéraire, ses passions, et ses grandes fragilités.

    L’émission est porté également par de précieux témoignages: des amies, auteurs, mannequins, photographes de mode et de guerre, responsables d’archives… La plupart sont des femmes qui éclairent l’histoire de Lee Miller, avec une grande sensibilité, partageant l’appréciation, sinon amour qu’ils ont encore pour cette féministe, qui a été en marge de son époque, précurseur de libertés des mouvement féministes.

    Un homme, David Sherman, photographe du magazine Life, nous fait vivre la fin de la guerre qu’il « documente » avec Lee Miller. Ils découvrent ensemble le camp de Dachau, vues tellement brutes d’horreur, que Lee Miller doute que Vogue les publie. Lee Miller peine pour écrire ce qu’elle a vécu.

    C’est à voir ! Je recommande ce documentaire. Il montre à quel point des vies humaines peuvent être si denses et fragiles; il accentue l’importance entre l’œuvre d’une artiste et la dure réalité d’une vie; l’affreux contraste entre ce qui est d’une beauté claire sans arrières pensées, et ces images d’atrocités et émotions de révolte qui peuvent marquer un photographe journaliste pendant le restant de ses jours.

    Lee Miller, née 1907 – décès 1977 – Photos de divers collections. Biographie par Antony Penrose : The Lives of Lee Miller, Thames and Hudson, Londres, 1985. (Remerciements aussi Jeanne Ingrassia)

    Portrait plus détaillé dans l’article de Vanity Fair

  • L’immédiateté de Vivian Maier

    L’immédiateté de Vivian Maier

    Ce qui est merveilleux avec des photographes telle que celles, ici, de Vivian Maier, (photographe américaine, 1926-2009) c’est la perception d’abord d’une scène insolite, belle et émouvante dans son naturel, et la capacité de l’immortaliser sans mise en scène, de la capturer dans son immédiatetée, d’où la satisfaction du photographe qui sait déjà que son cliché sera aussi apprécié par d’autres. La sensibilité partagée, un don de SA vie, des visions que nous autres n’avons pas la chance ou la capacité de voir. Car nous ne prenons pas le temps de vivre, de regarder. ❤️❤️


    Vivian Maier, née le 1er février 1926 à New York, et morte le 21 avril 2009 à Chicago, est une nourrice professionnelle américaine et une photographe de rue amateur prolifique.

    Ses 120 000 photographies de rue sont demeurées inconnues jusqu’à sa mort et leur découverte fortuite en 2008.

    Chaque année, des expositions de ses photographies sont organisées à Saint-Julien-en-Champsaur (Hautes-Alpes), où était née sa mère.


    Sans oublier : Robert Doisneau … et d’autres grands photographes.

  • Francesca Woodman – suite

    Francesca Woodman – suite

    Francesca Woodman (1958-1981) – Untitled, Providence, Rhode Island, 1976-77

    Woodman se dissimule dans ses photographies. Dans sa volonté de rendre visible littéralement la folie, Woodman exalte le désir de disparaître. « Les choses du réel ne me font pas peur, seulement celles qui sont au fond de moi. » (Remarque à contrario : Ce que Lacan nommait réel, c’est justement ce qui gît au fond de soi…et ça, ça fait très peur !)

    Cette quête métaphysique d’elle-même, étrange pour une si jeune fille, l’amène aux frontières du cri en photographie, et son corps le plus souvent nu est le sacrifice à la nuit, l’autel de la connaissance intime.

    Entre un certain voyeurisme et une immense fragilité, elle se dérobe au désir que suscite la représentation du nu féminin et provoque le désarroi de celui qui regarde ses images.

    Et ses images semblent encore flotter dans l’espace, images écrites sur le mur et en sortant pour nous dire l’imperceptible des choses. Elle est à jamais la photographe de la fugacité.

    Quelle inspiration créatrice… et perturbatrice!

    Could be titled : « Near-death-experience »

    Thanks to Jeanne Ingrassia

  • Francesca Woodman : analyses

    Francesca Woodman : analyses

    Francesca Woodman (1958 – 1981) – Providence, Rhode Island, 1975 – 1978

    Francesca Woodman explore sa propre image mais son impétueuse imagination la mène également vers des réflexions sur la technique photographique et l’écrit. Ses mises en scène à l’intérieur de pièces dépouillées, l’apparition fantomatique du corps au milieu d’espaces en décrépitude, de maisons sur le point d’être démolies dépassent le strict genre de l’autoportrait. Les accessoires et mises en scène tendent vers des influences surréalistes assumées, verres, miroirs, peinture écaillée, papier peint déchiré. Le corps quant à lui est trituré et fragmenté jusqu’à se fondre dans son environnement et soulever des questions sur la métamorphose ou le genre. Ces images insolentes, déroutantes et d’une d’une rare intensité évoquent l’éphémère, la fugacité du temps.

    Les oeuvres de l’artiste font partie de collections de musées internationaux comme la Tate Modern à Londres ou le Metropolitan Museum of Art à New York. La première exposition itinérante du travail de Francesca Woodman date de 1986 et ses principales expositions européennes, des années 1990. La Fondation Cartier et les Rencontres Internationales de la Photographie d’Arles ont été les premiers ont été les premiers à lui consacrer une rétrospective en France, en 1998.

    Francesca Woodman (1958–1981) – Untitled, Rome, Italy, 1977–1978

    Les images composées en Italie sont toutes belles car elles paraissent allégées de certaines inquiétudes, et plus puissantes, plus volcaniques. A défaut d’être en paix avec le monde extérieur, Woodman piétine son bout de terre, s’enracine et se transforme en animal social fréquentable. Mais fidèle à ses goûts singuliers, comme l’écrit son amie Sloan qui évoque leur shopping facétieux«A Rome, on a subtilisé des décorations en forme d’ailes d’ange derrière les bureaux au rez-de-chaussée de la fabrique de pâtes désaffectée à San Lorenzo. Les cornetti et les cappuccinos, on se les faisait monter par la fenêtre, dans un panier, depuis le bar situé en dessous, dans la via dei Coronarai [« ]. Le dimanche, [« ] on ratissait les puces de la porta Portese. Là, on marchandait des vêtements d’église dont on cousait ensuite les côtés pour pouvoir les porter en ville comme des robes. Les Romains, dans les autobus bruyants, râlaient et sifflaient quand ils passaient devant nous.» Transparence et disparition. Retour à New York, en 1979, où Francesca Woodman s’installe à East Village, dans un atelier sur la 12e rue. A priori, rien n’a changé. Elle continue ses recherches narcissiques, cette quête d’un état fantomatique, propice à l’essayage de robes molles et d’état mystique. Et se lance dans une série en pleine nature, où, les cheveux sagement nattés, elle se déguise littéralement en arbre. C’est-à-dire qu’elle s’essaie, encore, à contraindre son corps à devenir transparent, ou autre, pourquoi pas un arbre? Est-il utile de trouver ces dernières photographies plus émouvantes que celles du tout début, quand elle est une Lolita? Non. Après son suicide, les parents de Francesca Woodman ont découvert tout ce qui restait d’elle. Cinq cents oeuvres originales, des planches contact, quelques poèmes, son journal intime ­qui est en train d’être déchiffré par Sloan Rankin ­, des dessins. «Don’t forget she was a kid», a dit Betty, sa mère qui s’occupe avec son mari George de cet héritage aussi brûlant qu’un feu de forêt .

    Francesca Woodman (1958 – 1981) – Untitled, New York, 1979-1980

    Ce qui trouble chez Francesca Woodman , c’est que la jeune femme semble se livrer image après image à un rituel de passage vers l’au-delà, traverser le miroir selon l’expression consacrée. Déjà de son vivant, elle s’adresse au spectateur d’un monde inaccessible au commun des mortels. Elle l’entraîne dans des lieux qui devraient être sordides : des cimetières, des maisons abandonnées aux tapisseries en lambeaux, que son corps transfigure. Celui-ci apporte de la grâce là où il n’y en a pas. Il a la beauté sensuelle et jamais sexuée des statues antiques taillées dans le marbre. Francesca Woodman s’échappe du cadre, se confond avec les décors, disparaît peu à peu, se dissout dans le réel.

    Quelques jours avant qu’elle ne se donne la mort, le 19 janvier 1981, paraissait son pamphlet Some Disordered Interior Geometries. Que l’on peut lire comme le journal d’une jeune fille dérangée, ou comme le chemin des écoliers à emprunter pour « devenir un ange »