
Il aura passé quelques heures de sa dernière nuit contre moi, la tête sur une épaule et dans le creux de mon cou. Et malgré son mal, il s’est mis en ma compagnie à ronronner avec force, ensuite bien plus doucement comme s’il s’endormait. A plusieurs reprises il a allongé ses pattes avant comme pour me palper.
Puis comme chaque nuit avec moi, Ermès tentait de se soustraire des draps. Mais cette fois, étant si faible, il n’y arrivait si difficilement que je l’ai ramené au salon pour finir sa nuit auprès du feu.
«La fonction vitale que remplissent en ce monde les animaux de compagnie n’est pas encore reconnue à sa juste valeur. Ils protègent la santé mentale de millions de gens. Quand vous caressez un chien, quand vous écoutez le ronronnement d’un chat, il arrive que vos pensées se figent en vol et qu’apparaisse en vous une sérénité sans bornes, un portail vers l’Être. »
Eckhart Tolle
Pendant qu’il était à mes côtés je découvrais que notre nouvelle venue, Tizia, s’était installé tout près de nous, contre la chaleur de mes jambes. Elle si souvent excité semblait d’un calme étonnant. J’avais déjà remarqué que pour jouer, elle ne sautait plus au cou de Ermès, qui lui manifestait son mécontent en grognant. A croire que cette petite Tizia sentait que son copain n’allait pas bien. Que la fin arrivait ?
Aujourd’hui, sur une pente versant sud de notre propriété, Ermès reposera dorénavant en paix, enveloppé d’un drap sur lequel j’ai posé une petite rose. Il sera dorénavant à quelques mètres de sa compagne Bluebelle, sa dulcinée, mise en terre en mai au printemps. Il ne l’aura survécu que peu de mois. Elle avait atteint l’âge de 14 ans, lui presque 12.

Lundi dernier, nous avions eu le verdict sans appel d’une analyse sanguine chez le Docteur David.
« Une insuffisance rénale en phase terminale » ce qui expliquait que Ermès ne mangeait plus rien, buvant simplement de l’eau depuis une semaine. Suite à mes interrogations sur la suite, et la perspective d’une garde lors de notre voyage de Noël, le vétérinaire avouait « qu’il ne durerait pas au delà de la fin année ».
Chaque jour de cette semaine, je le surveillais. En le prenant sur ma poitrine dans le canapé, il se mettait à ronronner de tout son corps. Quelle joie de l’entendre s’exprimer ainsi, alors qu’il devenait de plus en plus maigre et lent dans ses mouvements. Posé par terre, il chancelait et ne tenait très difficilement debout. Cette perte d’équilibre, ainsi que des vomissements et convulsions étaient des manifestations annoncées d’évolution par le vétérinaire.
« Les chats sont très résistants, mais… » avait-il prévenu.
Je n’ai pas attendu. A force d’imaginer, sans cesse chaque jour dans mon esprit l’écriture d’une nécrologie – qui je pensais devait m’aider à encaisser l’inévitable – ce matin même à six heures, recourbé, collé, contre lui, l’enveloppant de tout l’amour en moi, et verbalisant l’expression de mon affection et regrets, je l’ai donc accompagné moi-même au « paradis des félins ». Dans ce moment de finalité d’existence, iI méritait amplement ma proximité si intense. J’ose croire qu’il s’est comme endormi, en paix, heureux comme il l’a fait tant de fois auprès de moi dans mon lit.
Ermes Helios du Clos d’Orthe a vu le jour dans les Landes le 25 mai au printemps de 2009. Il est né en l’année alphabétique des noms en « H », mais on l’a rebaptisé en Ermès, s’inspirant de mon travail dans le spatial.
Sa fiche le décrivait ainsi : « C’est un magnifique jeune Chartreux, longiligne, de robe gris-ardoise et des yeux dorés. Il est un trésor de douceur, extrêmement proche et affectueux. » Oh, que combien cela devait se confirmer !!
Il est arrivé au Trescols à ses trois mois, rejoindre nos autres Chartreux. Il a fait la connaissance de notre autre Chartreux mâle Tipunch, et des femelles Uscarine, Viebelle, Béa et surtout Bluebelle.
C’est avec cette dernière que Ermès aura été le «partenaire», lui donnant trois fois des petits, en 2010, 2011 et 2012. Je n’ai pas fait le décompte exacte mais avec des portées de quatre, nous avons rendu heureux une douzaine de familles d’accueil.


J’ai retrouvé les traces écrites des conseils du Docteur David lorsque Bluebelle était à sa première gestation en juin 2010 et la naissance de avec Fidjie, Fiona, Fleur, et Freud.
On a toujours apprécié l’attention et le sérieux sérieux de ce vétérinaire et cette semaine sa franchise en ce moment difficile. Il a très bien compris ma souffrance quand je lui ai dit:
« Vous savez c’est une époque qui se ferme, le dernier de nos Chartreux qui va s’en aller, près d’une douzaine d’années avec nous, un quatre pattes mais qui était véritablement un membre de notre famille.»
Pour encaisser cette perspective, j’ai appelé Martine Ruffenach, sa « première maman » de son élevage du Clos d’Orthe. Je découvre que depuis plus de 6 ans, elle ne fait plus d’élevage, et depuis le décès de son mari, elle vit avec la compagnie de deux chats et un chien. Je la remerciais en évoquant toutes les familles dans lesquelles nos chatons avaient donné tant du plaisir. Que je suis très fier qu’Ermès y ait contribué!
Ne souhaitant pas inquiéter et attrister Nicolas et Aurélia avant même le disparition d’Ermès, je me suis uniquement confié, par écrit à mon frère François, (qui habite au Liban), lui aussi grand amoureux de chats. D’abords avec son couple de pédigrés Abyssins très caractériels, puis de deux « sans papiers », décédés, naturellement et pour Lula tragiquement. Sa réponse dans l’encadré ci-contre.
Je répète souvent le dit-on de mon frère Lawrence que « la nostalgie est
une maladie sénile. » Mais à contrario, les souvenirs peuvent mieux nous aider à affronter l’avenir. (Aussi bien photos et textes comme dans cette page…)
« Pets give immense joy and companionship but the heartbreak is so severe when they pass away. As I walk the streets of Beyrouth I see some adorable strays who live quite happily on street corners . I often stop, talk to them and sometimes take pictures. They remind me of all my cats especially Liza from next door in Wimbledon and finally the tragic sudden end of young beautiful Luna. I hope that I will see them again one day. But like for you, their parting is so difficult, so one day I said no more! Memories are what count. Another reason was the risk of wolves in the mountains!! Courage! »

Dans les pages de mon site web, une section s’appèle « Félineries ». Elle regroupe en partie les textes concernant nos Chartreux et les échanges de lettres avec les familles d’accueil de l’époque de notre Élevage du Trescols Haut.
Mais depuis la fin de cette activité, on y trouve divers textes sur les chats en général: hommage à Felicette, chatte pionnière du spatial, au fameux chats ‘Larry’ le « Chief Mouser » et Palmerston du 10 Downing Street, à Felix le mascotte de Alcatel Espace à Cannes et une merveilleuse vidéo de l’acteur Anthony Hopkins, au regard si attendrissant qui écoute une musique de sa composition avec son chat Niblo.
Il y aussi et surtout aujourd’hui un texte que je relis à l’instant. « Faire le deuil d’un animal de compagnie ». Il avait été publié sur le site de AirZen Radio, et m’avait été signalé par Isabelle, ancienne collègue de Sud Radio, et cela le 5 mai dernier, justement une semaine après la disparition de Bluebelle.
J’inclus ici le lien vers cet article mais j’en tire deux extraits.
« Il y a toute une période où l’on peut se sentir désemparé : Tout ce qui ne s’exprime pas s’imprime. Il est donc important, d’abord, de s’écouter soi, puis d’en parler à des personnes bienveillantes ». J’exécute donc le conseil: j’imprime ici sur le papier, à l’écran l’expression de ma douleur. Et je viens d’annoncer la nouvelle à nos deux enfants.
L’article disait aussi : « Nous avons la chance de pouvoir abréger leurs souffrances. Il faut donc profiter de chaque moment avant que cela n’arrive. Laisser aussi la place à l’animal de partir car, malgré la douleur, il peut rester plus longtemps lorsqu’il sent que nous ne sommes pas prêt. » Je crois avoir respecté ce conseil.
J’écrivais à Isabelle qu’après la mort de Bluebelle, (et également aujourd’hui après celle de Ermès), cet article « traduit insuffisamment le passage aussi soudain et rapide de la transition de la présence à l’absence. Que je ressentais et encore aujourd’hui après la mort de mon frère Lawrence il y a six ans ».
Cette « absence féline » nous avait conduit à chercher un compagnon pour notre Ermès. Cela a été fait au centre de refuge des Chats du Quercy. Tizia a tenu compagnie à Ermes pendant sept mois. Va-elle maintenant, comme Ermès l’avait fait pour Bluebelle, chercher où, mais où bon miaow, est il parti?

Je termine. Tizia vient de me rejoindre sur le bureau, et comme le faisait Ermès, elle s’est installé entre clavier et écran.

Updated/maj. 04-12-2022