70 000 nouveaux adhérents suscitent convoitise et méfiance

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LE MONDE | 30.09.06 | 14h24 • Mis à jour le 30.09.06 | 20h06

Pendant près de deux mois, ils continueront de faire l’objet, au sein du Parti socialiste, de toutes les attentions et de nombreuses interrogations. Le profil et les motivations des quelque 70 000 nouveaux adhérents qui participeront, le 16 novembre, au premier tour et le 23 à l’éventuel second tour du scrutin organisé pour désigner le candidat socialiste à l’élection présidentielle de 2007, sont l’une des principales inconnues de ce vote.

Aucune étude précise n’a été menée à leur sujet. Les seules données disponibles à ce jour restent celles qui ont été recueillies par le PS, début mai, via un questionnaire adressé par Internet aux 18 000 premiers nouveaux adhérents. Un profil avait été dressé au vu des 8 400 réponses reçues : le nouvel adhérent moyen serait un homme (62 %) de 43 ans, au niveau d’études élevés (54 % de bac + 3), actif, résidant dans une commune de plus de 100 000 habitants, sympathisant du PS n’ayant jamais adhéré à un parti auparavant (Le Monde du 1er juin).

UN TIERS DES INSCRITS

L’ampleur – considérable – de la vague est le seul point qui ne fasse pas débat : les nouveaux adhérents représenteront plus d’un tiers des inscrits susceptibles de participer à la désignation du candidat. Le mouvement ne s’étant pas interrompu au 1er juin, date limite d’inscription pour participer au vote de novembre, les nouveaux pourraient bientôt représenter près de la moitié des effectifs du parti.

Cette affluence record a suscité autant de convoitise que de méfiance. Dans un contexte de tension croissante dans la campagne interne, chacun s’est d’abord interrogé sur l’influence que pourrait avoir cet afflux de nouveaux adhérents sur le scrutin de novembre. Aux craintes de “fraude massive”, évoquées, fin juillet, par un proche de Laurent Fabius, le député de la Seine-Saint-Denis Claude Bartolone, se sont ajoutées des supputations sur les penchants politiques des nouveaux arrivés. L’apparente prédominance, parmi ces derniers, de représentants des classes moyennes et supérieures, symbolisée par la percée de la fédération de Paris, laisse craindre à certains (et plus secrètement espérer à d’autres) un recentrage du PS.

La virulente bataille qui a précédé le dépôt des candidatures a encore fait monter la tension d’un cran. Selon certains, c’est la nature même du parti qui serait menacée. Evoquant “l’adhésion tardive de sympathisants qui, pour certains, nous disent qu’ils seront des supporteurs plutôt que des militants”, le député de la Drôme et partisan de Lionel Jospin Eric Besson déplorait, dans un entretien au Monde du 1er septembre, “la fin d’une conception du PS, un parti où les idées déterminent les clivages internes, et non le choix des personnes”.

Soutien de Laurent Fabius, le sénateur de l’Essonne Jean-Luc Mélenchon va plus loin en dénonçant la “décadence de la pensée politique” que traduit cette vague d’adhésions qui “submerge l’ancien parti”. “Ces nouveaux adhérents vont voter sur quoi ? Sur quelle culture, quelle référence commune ? Quand il n’y a plus de mémoire et plus de passé, c’est le début de la tyrannie !”, s’exclame-t-il.

Intimement liées à une commune défiance pour le style et le positionnement de la campagne de Ségolène Royal, exacerbées par l’inoxydable popularité de la présidente de Poitou-Charentes, ces craintes sont-elles fondées ? Le numéro deux du Parti, François Rebsamen, qui soutient la candidature de Mme Royal, s’efforce de minimiser les conséquences qualitatives de cette vague d’adhésions. “Je ne vois pas en quoi le PS serait “pur et dur” avec 100 000 adhérents et transformé “à l’américaine” avec 200 000″, soutient-il, en rappelant la nécessité, pour le PS, de “ne pas rester un parti qui s’assèche et dépérit”.

“LOGIQUE CONSUMÉRISTE”

“Il nous faudra expliquer que le PS est une organisation collective et non pas une somme d’individus”, souligne pour sa part le secrétaire national aux fédérations, Kader Arif, en reconnaissant qu’il existe un “vrai risque” de n’établir, entre le parti et ses militants, qu’une “relation consumériste”. D’autres assument plus volontiers une évolution qu’ils jugent nécessaire.

“La crise du militantisme existe depuis des années. Le PS, qui était un parti d’élus, doit être en prise avec la société”, souligne le secrétaire national aux nouvelles technologies, Vincent Feltesse, qui a piloté la campagne d’adhésions. Admettant que “la logique du “clic” Internet est un peu consumériste”, le secrétaire national aux élections, Bruno Le Roux, prédit l’avènement d’un militantisme à la carte : “On va mobiliser les adhérents sur des combats particuliers.”

Secrétaire national chargé des études, l’historien Alain Bergounioux invite à ne pas tirer de conclusion prématurée de ce qui n’est encore qu’une “opération de transition qui change les règles du jeu à un moment donné”. “On verra l’année prochaine combien seront restés. Le parti décidera alors s’il doit ou non s’élargir.”

Jean-Baptiste de Montvalon
Article paru dans l’édition du 01.10.06

Updated/maj. 01-10-2006

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