VA 253: Mission to Success

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Il se trouve que j’étais réveillé à ce moment là. Et la curiosité m’a fait suivre une retransmission de lancement d’Ariane. La 253ème mission, première depuis le confinement qui a sévèrement touché les équipes au Centre Spatial Guyanais. Mission achevée sans faute.

Dans ce secteur, j’ai été, en tant que communicant, en première ligne. Plus d’une centaine de vols couverts comme journaliste, et une quinzaine comme commentateur de lancements pour Arianespace. Aujourd’hui retraité, observateur, au fond de moi toujours passionné, mais avec énormément de recul.

Les faits d’abord: ce vol était exceptionnel au niveau des chiffres. La version utilisée était la plus puissante, l’Ariane 5 ECA, 780 tonnes au décollage, et 51 mètres de haut. Plus de 10,4 tonnes de charge utile. 76 lancements de l’ECA depuis 2002 – qui ont bien fait oublier l’échec du vol inaugural. En bref, un monstre. Sa mission, une première dans l’histoire d’Arianespace, mettre trois satellites à la fois en orbite de transfert géostationnaire. Une exceptionnelle tâche, pleinement réussie.

Des trois satellites, deux étaient dans la lignée des clients de services de télécommunications: Galaxy-30 pour Intelsat (62ème satellite lancé par Arianespace pour l’organisation) et BSat-4B (10ème pour ce client Japonais.)

Configuration avant séparations: de gauche à droite: l’étage ECA, le Sylda cachant BSat-4B et Galaxy 30

Le troisième passager est d’une surprenante particularité, le MEV-2, (Mission Extension Vehicle), remorqueur spatial construit pour Intelsat, dont l’originalité est de s’accoupler en orbite à des satellites et de pouvoir changer leurs position orbitale et/ou prolonger leur durée du vie. Le premier MEV-1, lancé par une fusée Proton en octobre 2019, a pleinement réussi, en février dernier, (voir mon article) son objectif de récupérer un satellite et de le remettre en vie. Cette nouvelle fonction de remorqueur spatial ouvre tout un marché commercial commercial. Ce qui était considérée comme rêve futuriste il y a 20 ans est devenu réalité.

Ce vol inaugurait plusieurs améliorations de la fusée Ariane 5: une case à équipement plus légère, permettant d’embarquer quelque 80 kg supplémentaires, et surtout un nouveau système de localisation de la fusée, avec l’usage de signaux des satellites de navigation Européens Galileo, qui complète le suivi du vol par les stations terrestres. Un système qui équipera la future Ariane-6.

Ce VA 253 était le 109ème d’une Ariane 5 depuis 1996, lancement dont je me souviendrai toujours, avec mon masque à gaz pour l’évacuation du site de Toucan! C’était la 253ème fusée Ariane (toutes configurations confondues) depuis le 24 décembre 1979. Ce vol était donc célébré en tant que l’anniversaire des “40 ans d’Ariane”. Rajoutons enfin que ça marquait “les 300 lancements de fusée depuis Kourou” – si l’on y ajoute les Vega, Soyouz et les 8 Diamant-B.

Je termine par une observation sur la retransmission vidéo du lancement. Les temps ont bien changé depuis mon époque de commentateur. L’émission était en direct, présentatrice en langue anglaise et invités commentateurs ingénieurs et le CEO d’Arianespace Stephane Israël, cela d’un studio à Paris, avec des caméras dans la salle Jupiter de Kourou, et des directs depuis notamment les États Unis et le Japon.

Les animations 3D des différentes phases du vol étaient magnifiques, bien synchronisés avec la progression du vol, une nette amélioration par rapport à celles que j’ai pu voir dans le passé. Graphismes de génériques très beaux. J’ai aussi beaucoup apprécié l’abandon de ces interminables discours post-vols au podium Jupiter, probable conséquence de la configuration post-confinement de la production. Les commentaires en studio de Stéphane Israël étaient d’un naturel bien apprécié. Par contre – et avec le plus grand respect pour le réalisateur de Manuel de Oliviera avec qui j’ai travaillé plusieurs fois – la production avait une plus que sérieuse lacune: la platitude des interventions de la présentatrice pour qui tout ce qui se passait était “exciting” ou “impressive”, un manque abyssal de langage et ou de préparation.

Ce qui me fait poser la question : à qui s’adresse cette émission? Nous nous efforcions autrefois de s’adresser à des spectateurs très intéressés du secteur, clients du vol, et clients potentiels, aux officiels, aux politiques, et techniciens, et pour faire valoir le “lanceur Européen” aux concurrents! Les retransmissions étaient “confidentielles”, diffusées quasiment en privé sur des canaux dédiés, et dont les médias ne reprenaient que des extraits des moments clefs. On commentait “en off” avec des informations pertinentes mais aussi claires pour la compréhension de non-spécialistes.

Aujourd’hui c’est de la communication grand public, de systèmes YouTube et relais par internet. C’est du spectacle “Whaoo”, à mon avis, très pauvre en informations, essentielles à une meilleur appréciation de ce secteur de pointe. A quoi sert-il de poser la question à un co-commentateur ingénieur “Est-ce que Ariane 6 pourra emporter des astronautes?” (à laquelle l’ingénieur s’en ai bien sorti en évoquant le projet abandonné de Hermes, mais la grande priorité à l’exigence de fiabilité du lanceur) – QUAND je n’ai entendu aucun commentaire sur le record de trois satellites en GTO, mentionné in extremis par Stephane Israël, ou l’innovation du système de suivi Galiléo. J’ai peut-être raté quelque chose?

Je ressens donc une satisfaction de voir cette émission de lancement réussi, mais sentiment d’un nostalgique, avec le recul de ne plus être “dans le coup” avec des critères d’appréciation qui ne sont pas de l’époque actuelle. J’aimerai bien partager ces impressions avec d’anciens collègues, en particulier Edwige Morel, Béatrix Maugueret, Klaus Habfast, Dominique Detain et Claude Sanchez… qui eux aussi ont pris du recul. Mais restent surement aussi passionnés que moi.

PS: bien le bonjour à Charlottte Beskow que j’ai aperçue derrière sa console à Kourou!

Images: Arianespace, Centre Optique CSG

Updated/maj. 19-08-2020

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