Rosa Bonheur et ses vaches

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Je viens de regarder un très beau documentaire de Stéphane Berne dans la série “Secrets d’Histoire” sur France 3 sur la peintre Rosa Bonheur. Et cela en pensant beaucoup à mon père qui aimait, qui dessinait et photographiait tant les vaches. Je dois à tout prix retrouver et faire encadrer ses dessins à l’encre de chine.

A la fin de l’émission  je me suis souvenu que j’avais déjà consigné sur ce site une ou des pages sur cette peintre, mais je ne les avais pas publiés. Une collection d’articles et d’images que j’avais trouvé le 26/05/2022. Y figurent des textes d’appréciation, des tableaux et portraits de l’artiste.

Ainsi qu’une interview de Katherine Brault, la propriétaire de Château de By où a vécu Rosa Bonheur, à Thoméry situé en partie sur la forêt de Fontainebleau en Seine et Marne.

Le documentaire (100min.) de Secrets d’Histoire a été diffusé le 24/10/2022

Labourage en Nivernais

Rosa Bonheur (1822 – 1889)

Les animaux au bout du pinceau

Article de Herodote.net par Isabelle Grégor

Rosa Bonheur : quel nom plein de promesses pour une artiste ! On imagine déjà les dessins de fleurs et petits oiseaux… Tout faux ! Rosa Bonheur a fait carrière en se consacrant au portrait… des vaches ! Armée d’une personnalité qui n’acceptait aucune concession, cette peintre adulée en son temps fut aussi une femme libre.

Je serai artiste !  

C’est à la campagne, à proximité de Bordeaux, que Marie-Rosalie Bonheur voit le jour le 16 mars 1822.

Dans le domaine de Grimont, la petite fille découvre les richesses de la campagne et est initiée au dessin par son père, peintre.

Mais la vie de château n’a qu’un temps et face au manque d’argent, la famille doit partir à Paris. La mère finit par s’y tuer à la tâche et laisse son époux seul  avec quatre enfants.  

Il n’est dès lors pas facile pour le veuf de gérer la petite Rosa qui refuse l’éducation traditionnelle qu’on lui impose. Tenir une aiguille, pas question ! Elle s’enfuit donc du couvent qui devait en faire une couturière accomplie et parvient à convaincre son artiste de père, saint-simonien ouvert aux idées progressistes, de partager avec elle les secrets de son savoir-faire.

Veaux, vaches…

Direction le Louvre ! Elle y enchaîne les copies tout en prenant des cours avec le peintre néo-classique Louis Cogniet. Est-ce parce que, en tant que femme, elle ne peut étudier les nus qu’elle choisit de se consacrer au monde animal ?

 

Rosa Bonheur est sélectionnée dès 19 ans, ainsi que son père, par le jury du Salon de Paris, en 1841. Née dans une famille d’artistes, « elle les dépasse tous par son talent à saisir l’intensité de la présence du bœuf, mouton ou cerf… personnages principaux de ses tableaux », observe Philippe Luez, directeur du musée national de Port-Royal des Champs (Yvelines).

Au Salon de 1848, elle décroche une médaille d’or pour Boeufs et taureaux, race du Cantal. Cette œuvre qui, selon le jury, « représent[e] la vie laborieuse des champs avec autant de poésie que de vérité » prépare le succès incroyable qui va accueillir, l’année suivante, en 1849, son Labourage nivernais.

Avec ses 6 mètres 20 et son réalisme, le tableau impressionne ! Comment un petit bout de femme d’1 mètre 50 a-t-il pu parvenir au bout de ce travail de titan ? Le président Louis-Napoléon Bonaparte lui-même la félicite et passe commande d’une nouvelle œuvre…

Cette fois, pour le Prince-Président, Rosa va s’intéresser à un Marché de chevaux, prouvant qu’elle est capable de peindre non seulement la puissance mais aussi toute la fougue des animaux.

Comment vivez-vous ces moments de fermeture ?

C’est affreusement dur. On avait commencé à travailler sur une exposition et au moment où on allait procéder à l’accrochage, le confinement nous est tombé dessus. Il s’agissait de mettre en avant l’héritage de Rosa Bonheur. C’est ça le plus difficile, c’est de commencer à investir et puis de tout arrêter.

Cet été, vous étiez pourtant bien relancés…

En effet, c’est d’autant plus frustrant que, même avant le festival de musique classique que nous proposions dans les jardins de Rosa Bonheur, nous avons tout de suite énormément reçu de public avec lequel nous étions ravis de partager nos découvertes réalisées lors du premier confinement. J’ai même dû embaucher huit personnes. On était sur une belle lancée.

Aujourd’hui, tout le monde est au chômage partiel. Cette fois-ci, le gouvernement n’a pas donné d’indication aux banques pour qu’elles suspendent les prélèvements sur les emprunts. Et, ici, des emprunts, on en a beaucoup puisqu’il a fallu réaliser de nombreux travaux. Cette situation est extrêmement critique pour nous.

N’avez-vous pas reçu d’aides du gouvernement ?

Hélas non. Le spectacle vivant a eu des aides, le théâtre a eu des aides, le cinéma a eu des aides. Les petits musées et le patrimoine ? Rien ! Nous ne sommes pas classés parmi le patrimoine historique. Du coup, on doit se débrouiller. Avec tout ce qu’on a fait pour ce musée, la perspective de cette exposition au musée d’Orsay, en 2022, pour l’instant, il faut qu’on se dépatouille tout seul.

Est-ce que ça signifie que le musée Rosa Bonheur est en péril ?

Je ne crois pas. Heureusement, le Département s’est beaucoup impliqué puisqu’il est entré dans l’achat des collections pour nous aider. Ce qui nous permet d’acquérir une grande partie des collections. Et aussi, le Département nous soutient pour le développement.

Toujours est-il que, pour l’instant, on ne sait pas comment on va tenir jusque-là. Mais j’ai confiance. On va y arriver. On a connu d’autres épreuves. Acheter le musée, ça a été un défi bien plus important. Mais quand même, ça use…

Avez-vous profité de ce deuxième confinement pour rechercher à nouveau des œuvres de Rosa Bonheur dans le grenier ?

En effet, comme lors du premier confinement, on a encore fait de belles découvertes qui nous permettent de cerner davantage l’environnement de Rosa Bonheur. On commence à connaître qui étaient ses amis, ses proches, quels sont ceux qui ont fait partie de ce cercle restreint qu’elle recevait au château, des gens comme Flaubert, par exemple. On n’aurait jamais associé son nom à celui de Rosa. Ce qui montre une autre facette d’elle. C’est vraiment un personnage extraordinaire.

Et qui dévoile ses secrets 200 ans plus tard, c’est ça qui fait d’elle une femme si passionnante…

Tout à fait, et aussi le fait qu’elle ait été cachée. On la découvre aujourd’hui dans son intimité à travers des photos, des courriers. C’est passionnant.

Mettre les femmes sous la lumière, est-ce dans l’air du temps ?

C’est vrai qu’on parle de plus en plus de ces femmes qui ont été invisibilisées. Il y a un mouvement en France. Mais il reste encore beaucoup à faire. On s’est aperçu, par exemple, qu’au musée d’Orsay, il n’y avait que quinze œuvres de femmes… sur des milliers ! D’où l’importance de remettre les femmes à leur place. Peut-être que ça a joué en faveur de cette exposition à Orsay. Rosa est au cœur de quelque chose qui se passe à l’heure actuelle.

Finalement, Rosa Bonheur est résolument moderne…

C’est une écologiste, une femme qui a fait une carrière formidable sans homme. Elle a cette vision très actuelle du vivant en considérant que les animaux ont les mêmes droits que nous. Elle est complètement moderne. Et le regard qu’elle avait sur les Amérindiens, sur les minorités, était aussi extrêmement intéressant. Elle était complètement décalée avec son époque.

Pourquoi êtes-vous tombée amoureuse de cette artiste ?

Avec le recul, je me suis rendu compte qu’elle m’a permis de me retrouver. En essayant de sauver Rosa Bonheur, c’est peut-être moi que j’essayais de sauver en réalité. J’étais dans un moment assez difficile sur le plan personnel, il fallait que je trouve une bataille positive. M’engager dans quelque chose d’aussi fort, d’aussi puissant, pour une femme aussi admirable, c’était un peu oublier mes petits malheurs. Rosa, sans le savoir, m’a permis de sortir de là où j’étais. On s’est sauvées mutuellement. Elle m’oblige à déplacer des montagnes.

Pensez-vous avoir pris un peu de sa force à elle ?

C’est probablement une force que j’avais déjà mais elle l’a révélée.

Faut-il être féministe pour défendre le talent de Rosa Bonheur ?

Au départ, je ne voulais pas dire que j’étais féministe. Je ne voulais pas risquer de tomber dans la caricature. Et puis j’ai réalisé qu’il m’était impossible de ne pas l’être. Mais on pâtit de l’image véhiculée par chiennes de garde. Peut-être qu’il fallait en passer par là pour éveiller les consciences. Ces femmes ont eu du courage. Mais c’est compliqué maintenant d’en sortir.

Interview de Katherine Brault, propriétaire de la demeure de Rosa Bonheur

Interview alors qu’une exposition anniversaire centenaire de la naissance de Rosa Bonheur devait s’ouvrir et dû être fermée à cause du confinement. Article par Vanessa Relouzat, publié dans Actu Seine et Marne, Le Pays Briard, le 29 Déc 2020.

Katherine Brault veut effacer cette injustice du silence sur le talent de Rosa Bonheur, grande absente des livres d’histoire de l’art (©DR)
L’atelier de Rosa Bonheur resté dans son jus (©VAR/Archives/RSM77)
(©VAR/Archives/RSM77)

Qu’est-ce que ça dit de notre époque ce silence pendant des années sur le talent de Rosa Bonheur ?

Ça dit plusieurs choses. Ça dit qu’on n’aimait pas les gens qui réussissaient en dehors des clous, même si, à son époque, Rosa Bonheur était reconnue et admirée. C’est le cas pour toutes ces femmes qui ont été de grandes compositrices, de grandes écrivaines, de grandes scientifiques : on s’est empressé de les oublier juste après leur mort. Encore aujourd’hui, les tonnes de sable et de boue qu’on doit remuer pour effacer les jugements préconçus sur Rosa Bonheur. Si je n’avais pas cette conviction, je ne serais pas là. C’est compliqué il faut en faire deux fois plus pour faire reconnaître une femme par rapport à un homme.

Qu’est-ce qui vous fait remarquer ça ?

On retrouve un morceau de gribouillage de Picasso et on en fait des tonnes. Alors qu’on a retrouvé des œuvres incroyables de Rosa Bonheur qui font deux, trois et même jusqu’à cinq mètres de long. Demain, on retrouve un manuscrit de George Sand, ça ne fait pas la une des journaux. Alors qu’on retrouve un manuscrit de Victor Hugo, on va en parler partout. C’est encore compliqué de faire évoluer les mentalités. Heureusement, mes enfants sont là pour prendre le relais. Et mes filles sont encore plus militantes que moi !

Propos recueillis par Vanessa ASPE-RELOUZAT

Updated/maj. 30-10-2022

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