Réflexions sur les images de Webb

Random Quotes & Images

“On ne sait pas ce que l’on ne sait pas, tautologie certes,

mais surtout on ignore où cela peut nous mener.”

Les "Falaises Cosmiques" de la nébuleuse Carina
Les composants de l'exo-planète WASP-96b
La nébuleuse expulse des gazes et poussières qui vont donner naissance à d'autres étoiles

Il est probablement trop facile de verser dans – et critiquer – le lyrisme utilisé au sujet de l’importance des premières images du James Webb Space Telescope, publiées en grande fanfare hier par la NASA et l’ensemble de ses partenaires.

Les éloges ont plu du tout part pour ceux concernés directement impliqués:  agences spatiales, managers, concepteurs, ingénieurs,  astronomes, ainsi que dans la communication et des relations publiques. Il faut faire valoir une mission, la justifier par l’image, y ajoutant le rêve, un projet qui a mis 25 ans à naître, dépassé les budgets et couté finalement plus de 3 milliard de dollars.

Mais revenons à l’essentiel: à une réaction exprimée si simplement par une astronome avec qui j’ai pu travailler il y a quelques années.

Caroline Porco, sait de quoi elle parle, ayant géré la caméra principale d’imagerie abord de la sonde Cassini autour de Saturne.

Au sujet de Webb: “Mais quelle machine, quelle machine!! Pensez donc à ce que les astronomes vont pouvoir découvrir dans ces galaxies lointaines, entrain de naître il y a très très longtemps, que de simples points maintenant dans ces images mais dont les spectres nous livrent déjà tellement de renseignements. Cela fait grossir le cerveau, c’est une réaffirmation de la vie!”

Dans un excellent article, le Monde cite Emilie Habart, de l’université Paris-Saclay, coresponsable d’un programme prioritaire d’exploration de la nébuleuse d’Orion, assez semblable à celle de la Carène, use d’une autre image : Nous aurons des informations à de multiples échelles, comme si on pouvait voir à la fois le corps d’une femme, jusqu’au détail de ses ovules.”

La comparaison a été faite pendant la présentation : la précision de cette machine fournit une résolution, une acuité de vision, jamais atteinte dans l’espace. “A vision that reaches further than we can see“, une vision qui va au delà de ce qu’on peut voir.”

J’ai été plus que privilégié de participer à de nombreuses missions spatiales avec des ingénieurs et astronomes exuberants, si plein de passion mais de aussi de confiance en leur travail de précision d’horloger. Le risque zéro n’existe pas, même dans le spatiale. Pourtant les quelques 340 événements critiques pour la mission, les déploiements des miroirs, du panneau solaire et le fonctionnement de ses instruments scientifiques, tous se sont déroulées parfaitement. Quasiment miraculeux!

En regardant après la conférence de presse, la belle vidéo des différentes étapes dans la construction de ce télescope, des étapes que j’ai connu sur d’autres missions, on tremble à chaque plan de ces gens perchés en équilibre pour atteindre une pièce et qui ajustent et vérifient les éléments du satellite. En voyant le container arriver à Kourou, on imagine à quel point Arianespace se devait d’être aussi sure, à 100% du possible, de la tâche qui lui incombait. Et après coup, d’être fier d’avoir mis Webb en orbite avec une précision qui a doublé de 10 à 20 ans, sa vie prévue.

L’effort de communication de la NASA a été immense et on doit lui pardonner les incidents techniques vidéo dans la retransmission – notamment ceux de liaisons en direct interrompues ou absentes notamment avec le Canada, moments auxquels la présentatrice Michelle Thaller était imperturbable!

Mais finalement la NASA et ses partenaires auront-t-ils partagé avec un public beaucoup plus vaste l’importance profonde de cette aventure? C’est à dire que la science, l’astronomie, la recherche et surtout la recherche fondamentale œuvrent pour la société toute entière? [Voir par ailleurs, éditorial du Monde qui se penche sur l’importance de la science fondamentale.]

Cela a été affirmé par plusieurs à l’émission: “On va découvrir ce que l’on ne sait pas encore“. Rejoignant la phrase de Carl Sagan, grand visionnaire: “Les cieux nous réservent quelque part des choses incroyables qui ne font qu’attendre qu’on les découvrent.” J’en ai connu, personnellement, des astronomes aux pensées aussi profondes, des “poètes” ou des “croyants” en quelque chose.

Et cela m’a conduit en fin de journée à une réflexion : “Question sérieuse : comment se fait-il que l’on regarde toujours vers le passé et avec une acuité exceptionnelle et qu’il nous est impossible de prévoir l’avenir ? Réponse relève-t-elle de l’astrophysique, de la philosophie ou… de la poésie?”

Il semble que cette réflexion ait trouvé un écho avec quelques amis, du spatial et d’ailleurs.

Sources, et images et vidéo : NASA, ESA, CSA, and STScI/NASA, ESA, CSA, STScI, and The ERO Production Team

Updated/maj. 13-07-2022

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