Raptors, rapture & reality

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Des chiffres et des hypothèses

Je dois avouer que depuis longtemps j’ai pris mes distances avec les activités de SpaceX. D’abord parce que son patron m’inspire le dégout, avec son égo surdimensionné et ses jugements à l’emporte pièce, comme sur “les médias qui sont tous des menteurs“.

Ensuite, je trouve que la construction de sa constellation de plusieurs milliers de satellites pour l’Internet est quasiment un crime, en tant que pollution de l’environnement spatial immédiat de notre planète.

Mais derrière l’homme et ses richesses, il y a des équipes de concepteurs et ingénieurs manifestement de haut vol qui mettent au point des lanceurs exceptionnels et procèdent à des lancements avec une régularité étonnante, en prenant des parts de marché face aux concurrents, Américains et Européens.

En lui confiant des contrats importants, dont une version du Starship pour se poser sur la Lune dès la mission Artemis-3 (?), la NASA reconnait la grande valeur de cette entreprise.

Ci-dessus, deux vues de l’essai:

Classique avec téléobjectif à quelques kilomètres du centre de SpaceX, et deux plans de vues par un drone, vidéo fourni par SpaceX.

Je me suis enthousiasmé à l’automne pour la première mission Artemis, son lanceur Space Launch Sustem (SLS) et la capsule Orion. Parce que cette dernière est le fruit d’un programme très réussi de l’ESA et la contribution de l’Europe au SLS. Le travail de centaines voir quelque milliers de gens sur ce lanceur nouveau d’une puissance exceptionnelle inspire également le respect.

Tout comme le programme aussi ambitieux de SpaceX, le lanceur Starship composé d’un étage supérieur du même nom, au sommet d’un “booster” au nom de Super Heavy.

Comme pour les missions de mise en orbite avec ses fusées Falcon-9, cet ensemble est conçu pour être réutilisable. Le Starship ayant déjà , après de multiples échecs explosifs, réussi “des saut de puce” et à se reposer sur son pas de tir.

 

Le Super Heavy sera également réutilisable, venant se poser, accroché à sa tour de lancement.

Mais selon SpaceX, les premiers vols de cet ensemble, la récupération du premier étage n’est pas envisagé et il retombera dans l’Atlantique.

SpaceX n’a jamais accordé autant de couverture médiatique à un tel essai avant l’événement.

Ainsi j’ai été pris par le suspense de cet essai des moteurs Raptors-2, dont 33 propulseront le Super Heavy.

Si  un essai avait déjà eu lieu  en novembre avec 14 moteurs (entrainant des dégâts significatifs à l’aire de lancement), jamais dans l’histoire du spatial avait-on tenter de mettre à feu une telle batterie de moteurs.

 Les qualificatifs pleuvaient: “une fusée d’une puissance générée jamais atteinte”, “plus que la fusée SLS de la NASA, plus que les navettes et même la fusée NI Soviétique…”

Un rappel: cette dernière avait 30 moteurs et ses quatre lancements ont été des échecs.

Mais je reviendrai sur ces comparaisons.

J’étais donc jeudi soir sur mon ordinateur branché sur deux retransmissions de l’événement, prévoyant d’enregistrer le spectacle qui promettait d’être spectaculaire autant s’il réussissait que si, par malheur, il échouait. Or les catastrophes SpaceX en a bien connu!

Vers 15h local dans le Sud du Texas, le test s’est passé très vite. Sans décompte, une pluie fine a commencé à obscurcir le stand sur lequel le Super Heavy était bien arrimé, puis des flammes rouge vives, vite cachées par un immense nuage de fumée.

Selon la durée de mon enregistrement, une vingtaine de secondes se sont écoulées. Mais difficile d’identifié l’instant de mise à feu et l’extinction.

Comme beaucoup d’autres passionnés, je pensais sur le coup que cet essai des 33 moteurs Raptor-2 devait être considéré comme positif. Mais réalisation assez rapide que sa durée – de l’allumage à l’extinction – s’avérait beaucoup plus courte, de 6 à 8 secondes – sans autre précision. SpaceX se bornant à annonçer que la “mise à feu avait duré le temps prévu”. Et on apprenait par Elon Musk lui même qu’un moteur avait été désactivé avant la mise à feu et qu’un second Raptor-2 s’était éteint pendant l’essai.

Et le patron de SpaceX de Twitter : “So 31 engines fired overall, but still enough engines to reach orbit“. Et de s’aventurer à prévoir le premier décollage du Starship “le mois prochain“. On a déjà connu de telles annonces de SpaceX, plus que hasardeuses dans ce métier. Mais la Présidente de SpaceX, Gwynne Shotwell, semble partager cet optimisme : “Cet essai nous met en position de lancer en mars ou un peu après.

 

Alors quid de la puissance générée et les comparaisons avec d’autres lanceurs? Dans les heures qui ont suivi, SpaceX annoncait que les 31 moteurs avaient fonctionné à 47% de leur puissance collective maximale, générant près de 7.9 million livres, ou 3,600 tonnes de poussée.

 

Il est hasardeux de tenter une simple multiplication – car les 33 moteurs disposés en paquet central avec un cercle extérieur ne fonctionneraient peut-être pas de manière et de poussée identiques. Néanmoins, fonctionnant à 90% lors d’un décollage, le Super Heavy aurait une poussée de plus de 7,000 tonnes. C’est, selon les spécialistes, 70% plus puissant que la maudite NI Russe.

Décollage de la navette Atlantis

Les moteurs Raptor-1 et 2 sont quasiment de même grandeur, le second plus “svelte” avec moins de pièces extérieures et 400kg plus léger. Leurs tuyères à 1,3 m de diamètre sont quasiment identiques. Le Raptor-1 a une pression en chambre de 250 bar, et fournit une poussée de 185 tonnes. A noter qu’il est donc plus puissant que chacun des trois moteurs RS-25 (185 tonnes de poussée) qui
équipaient les navettes. Et qui propulse avec un seul moteur le SLS tel
qu’on l’a vu lors de la mission Artemis-1.

Selon SpaceX, le Raptor-2 est 20% plus puissant que le Raptor-1, sa pression en chambre est de 300 bar – ce qui est exceptionnel) et le moteur fournit 230 tonnes de poussée. (Les ingénieurs de SpaceX pensent pouvoir améliorer la pression et la poussée de ce Raptor-2.) [Chiffres tirés du travail de Zack Golden, journaliste spécialisé dans les activités de SpaceX, du site CSIStarbase.)

L’optimisme regne après cet essais “static” du Super Heavy. Autant du côté de SpaceX, que, il faut le reconnaitre, des médias. On semble de nouveau dans une frénésie de l’expectative. “Un décollage dans les semaines qui viennent“.

Mais les “vieux loups” du spatial sont plus prudent. Bien sûr la trentaine de moteurs ont craché du feu, un moteur ne s’est pas allumé, un autre s’est arrêté. Le booster n’était rempli de oxygène et de méthane qu’à un tier de sa capacité. Le tir n’a duré qu’une poignée de secondes. La définition de “succès” semble donc un peu, beaucoup exagérée. Il faut également rappeler qu’il n’y a eu qu’un seul essais de remplissage en ergols des deux étages.

Donc arrêtons de vanter cette fusée “la plus puissante jamais mise au point“. Souvenons nous de la malheureuse N1. Le vrai succès dépendra des données que SpaceX a récolté, et pour l’instant rien ne filtre… suffisamment pour confirmer que la prochaine mise à feu sera bel et bien pour décoller… en toute confiance du résultat. Chacun se rappelle la série d’échecs spectaculaires subis par le Starship.

Updated/maj. 14-02-2023

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