Présidence commune à France Télévisions, Radio France et France Médias Monde

Random Quotes & Images

A ce stade, il s’agit d’une option, les arbitrages finaux de la grande réflexion sur l’audiovisuel public lancée par Emmanuel Macron sont attendus fin mars. La ministre de la culture, Françoise Nyssen, propose qu’à l’avenir, France Télévisions, Radio France et France Médias Monde (France 24, RFI…) aient une présidence commune, ont indiqué au Monde des sources proches du dossier. Ce serait un changement important, car, jusqu’ici, ces trois sociétés d’audiovisuel public ont, chacune, un président. Celui-ci serait remplacé par un directeur général, qui serait sous le contrôle d’un président non exécutif unique. La ministre envisagerait même d’étendre cette direction commune à l’Institut national de l’audiovisuel (INA).

Mme Nyssen a, au cours des dix derniers jours, souhaité revoir les dirigeants des sociétés d’audiovisuel public, afin d’évoquer avec eux l’avenir de leur entreprise et du secteur, avant une prise de parole en conseil des ministres, le 14 février. Dans son propos, Mme Nyssen a d’ailleurs évoqué sa proposition d’une présidence commune. A ce stade, il s’agit d’une option, les arbitrages finaux de la grande réflexion sur l’audiovisuel public lancée par Emmanuel Macron sont attendus fin mars. Mais cette piste a déjà été évoquée au sein de l’exécutif dès la fin de 2017.

Un président commun permettrait un pilotage d’ensemble, alors que le gouvernement demande de plus en plus aux sociétés d’audiovisuel public de collaborer entre elles. En effet, France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’INA ont, ensemble, lancé en 2016 Franceinfo, une offre d’information mêlant télévision, radio et numérique. Et, depuis octobre 2017, le ministère de la culture a exigé des dirigeants de nouvelles synergies : ceux-ci ont donc en projet une offre d’information locale associant France 3 et France Bleu, une plate-forme numérique culturelle autour de France Culture et France 5, un média Web destiné aux jeunes, qui s’appuiera la radio Mouv et France Télévisions…

« BBC à la française »

Instaurer un dirigeant unique est aussi une réponse à la volonté de « rapprocher » les sociétés d’audiovisuel public, formulée dès le printemps 2017 dans le programme d’Emmanuel Macron. Depuis lors, le secteur spécule sur les intentions du président de la République : veut-il fusionner les structures ? M. Macron rejoindrait alors les partisans de la création d’une « BBC à la française », prônée par certains parlementaires.

Dès l’été 2017, l’idée d’une telle fusion a été combattue par Delphine Ernotte, la présidente de France Télévisions, Mathieu Gallet, à Radio France, ou Marie-Christine Saragosse, à France Médias Monde : selon eux, cette réforme de structure serait beaucoup trop lourde et mobiliserait inutilement les personnels et les dirigeants. Ils ont cité en exemple la difficile mise en œuvre de l’entreprise unique rassemblant France 2, France 3, etc. Ou le rapprochement houleux entre la chaîne France 24 et la radio RFI. Dernier argument : une fusion serait coûteuse à court terme, car il faudrait aligner les statuts des personnels de Radio France sur ceux de France Télévisions, mieux rémunérés.

A l’automne 2017, on a parlé, au sein de l’exécutif, de créer une holding : il s’agirait alors d’une structure transversale qui gérerait les sociétés concernées, toujours séparées les unes des autres. La holding pourrait rassembler la présidence et des fonctions transverses comme la stratégie, les ressources humaines, la direction financière… C’était l’option défendue notamment par Marc Schwartz, qui a participé à la campagne d’Emmanuel Macron, avant de devenir directeur de cabinet de Françoise Nyssen, puis d’être écarté de cette fonction, début janvier. Mais cette piste n’a pas fait l’unanimité au sein de l’exécutif.

La tension s’est accrue

La présidence commune est une version plus légère du rapprochement des entreprises. Mais elle bousculerait tout de même l’organisation adoptée pour l’audiovisuel public depuis des années. Et certains pourraient y voir un premier pas, franchi avec l’intention d’avancer plus tard vers une holding, voire une fusion. D’ailleurs, avant la création de l’entreprise unique France Télévisions, ses chaînes ont eu un président commun, à partir de 1989, puis ont été gérées par une holding, à partir de 2000. Clin d’œil de l’histoire, Marc Schwartz a été directeur général adjoint de cette dernière structure, dirigée par Marc Tessier, qui est aujourd’hui l’un des deux responsables de la réflexion sur l’audiovisuel public au sein du « comité action publique 2022 », chargé par Matignon de proposer, d’ici fin mars, des pistes de réduction des dépenses publiques.

Si la solution de rapprochement prônée par Mme Nyssen est mesurée, c’est aussi peut-être parce que la gouvernance est toujours un sujet polémique dans l’audiovisuel public, censé être indépendant du pouvoir politique. D’ailleurs, quand la presse a évoqué la possibilité d’une holding, les syndicats de France Télévisions ou de Radio France ont fait savoir leurs réticences.

Depuis, la tension s’est accrue, à la suite de deux événements inédits : Mathieu Gallet a été révoqué après sa condamnation pour favoritisme et Marie-Christine Saragosse a vu son mandat annulé pour ne pas avoir fait sa déclaration de patrimoine dans les délais. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel cherche actuellement un successeur au premier et relance une procédure de nomination pour la seconde.

Alors que la majorité réfléchit à l’avenir du secteur, deux dirigeants manquent à l’appel. Face à cette situation, les syndicats ont exprimé leur vive inquiétude et mis en garde le gouvernement contre la déstabilisation de l’audiovisuel public.

LE MONDE ECONOMIE | • Mis à jour le | Par Alexandre Picard

Updated/maj. 21-02-2018

Vues : 47