Pour rêver encore de la matière des oiseaux

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Kenojuak, artiste inuite canadienneUne terrible nouvelle et quelques beautés inouïes/ Inuits

Entre les articles sur l’héritage Halliday et autres buzz, avez-vous vu passer dans le Monde il y a quelques jours cette nouvelle déjà oubliée et qui poursuit l’homme que je suis, aussi le gamin que je fus, vivant dans la forêt, nourri aux chants voltigeurs et pas aux coups de bec ? Un tiers des oiseaux en France a disparu en quinze ans, et ça s’accélère. Début d’article :

« Le printemps risque fort d’être silencieux. Le Muséum national d’histoire naturelle et le CNRS annoncent les résultats de deux réseaux de suivi des oiseaux sur le territoire français et évoquent un phénomène de « disparition massive », « proche de la catastrophe écologique ». Les oiseaux des campagnes françaises disparaissent à une vitesse vertigineuse, précisent les deux institutions dans un communiqué commun. En moyenne, leurs populations se sont réduites d’un tiers en quinze ans. Plus inquiétant, les chercheurs observent que le rythme de disparition des oiseaux s’est encore intensifié ces deux dernières années. Le constat est d’autant plus solide qu’il est issu de deux réseaux de surveillance distincts, indépendants et relevant de deux méthodologies différentes ».

Faudra-t-il enseigner dans quelques années à nos enfants le souvenir de l’oiseau, la définition d’une aile ? Écouter sur internet un pépiement, ou ce bruit de l’envol, ce « flap » que les mots ne peuvent définir ? Ou relire, d’un poète merveilleux, Abdelwahab Meddeb, que j’ai bien connu : « La matière des oiseaux », un chef-d’œuvre.

Oui, je la veux encore, la matière des oiseaux, comme l’air, la terre, le souffle, la chair du monde, je veux la toucher et l’entendre, et la voir sans l’atteindre et la rêver dans tous les coins de l’espace. Etre enfant sans oiseaux, ce serait rester collé au sol, se contenter de la marche lente des nuages (par ailleurs sublimes) ou du tracé des avions pour dessiner le ciel. Un oiseau fait déjà le paysage. Et alors, quoi ? Les pays qui ont déjà engagé des mesurettes (même pas la France) n’ont pas eu de résultat à ce jour. Ce qui a tué les abeilles massacre les oiseaux , à une vitesse vertigineuse. Pour illustrer avec espoir malgré tout ce constat ou conjurer cette peur, j’ai choisi quelques œuvres d’artistes inuits. Les ami(e)s qui me connaissent savent ma passion pour cet art. Regardez et partagez ces oiseaux du Pôle Nord. Les oiseaux sont rares dans leur ciel et leur pays sans arbres, et d’autant plus précieux à leurs yeux. Les artistes, souvent des femmes comme Kenojuak Ashevak, nous les décrivent comme une origine du monde, l’incarnation de notre force. Même les amulettes qui datent de mille ans sont des oiseaux taillés dans l’ivoire. Quand un chamane se transforme, c’est le plus souvent en oiseau, pas seulement pour le rêve de voler, mais avant tout d’entrer, avec ou sans ailes, dans l’esprit des oiseaux. J’ai consacré un livre à ce sujet : « Angakkeq, la légende de l’oiseau-homme » ( merveilleusement illustré par Louis Joos, pour Pastel ).

N’attendons pas chez nous cette rareté pour les célébrer, les protéger et au moins pensons, en ville ou à la campagne, à ce qu’un chant d’oiseau a signifié, un jour précis de notre vie, pour chacune et chacun d’entre nous …

[Publication de Carl Norac (ami de S.Decobert et M.Garrouste) sur FB 2018/04]

Updated/maj. 11-04-2018

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