Philippe Baptiste : l’avenir avec le spatial

Random Quotes & Images

Programme spatial européen : « L’omniprésence de l’espace dans notre quotidien en fait un outil de souveraineté et un puissant levier de croissance »

Dans une tribune au « Monde », le président-directeur général du Centre national d’études spatiales, Philippe Baptiste, rappelle les enjeux militaires, scientifiques et économiques du programme spatial européen, dont le budget doit être discuté les 22 et 23 novembre. Publié dans le Monde du 21/11/2022

 

Nouvelle station spatiale chinoise, vols habités indiens attendus l’an prochain, premier lancement récent du Space Launch System (SLS) et retour sur la Lune de la NASA, décollages incessants du lanceur Falcon 9 de SpaceX pour mettre en orbite des milliers de satellites… Les grands programmes et les annonces se multiplient partout dans le monde.

Dans ce foisonnement, quelle est la place de l’Europe ? C’est tout l’enjeu de la prochaine conférence ministérielle de l’Agence spatiale européenne (ESA) des 22 et 23 novembre prochains, qui décidera de ses financements pour les trois prochaines années.

Rappelons qu’une part considérable de nos activités quotidiennes est directement liée à l’espace : télécommunications, géolocalisation ou météorologie, nous dépendons du spatial en permanence, et cette omniprésence en fait à la fois un outil de souveraineté et un puissant levier de croissance.

L’accès européen autonome à l’espace permet à nos armées et à nos gouvernements de disposer de moyens satellitaires pour observer, écouter et communiquer de manière sûre. Les grands projets de constellations de télécommunications de l’Union européenne sont d’ailleurs essentiels pour compléter les dispositifs existants.

Observation de l’Univers profond

Grâce à l’espace, la connaissance scientifique ne cesse de progresser, allant de l’observation de l’Univers profond grâce à l’extraordinaire mission Planck ou, plus récemment, au télescope spatial James-Webb, jusqu’à l’appréhension des lois fondamentales de la physique avec notamment la mission Microscope, en passant par les expériences menées en microgravité par nos astronautes comme lors des deux dernières missions de Thomas Pesquet.

Le spatial est enfin l’outil principal de mesure de la santé de notre planète. Les satellites, qui observent continuellement la Terre depuis des décennies, produisent des données cruciales pour étendre les connaissances liées à l’environnement et à la biodiversité, observer et comprendre les effets du réchauffement climatique, améliorer les modélisations mathématiques pour la météorologie et le climat, mais aussi irriguer les politiques publiques en matière de réduction des émissions et d’adaptation au dérèglement climatique.

Au service de toute la société, le spatial incarne également une part de rêve et de confiance dans le progrès et dans la science, qui est au cœur du projet et de la vision européenne. Comme le disait le président de la République en mars à Toulouse, « nous, Européens, cultivons en effet une certaine idée de l’espace comme un regard décentrant sur le monde et sur la condition humaine, comme un bien commun qui doit être utile à tous ».

Le champion européen

Les investissements nord-américains ont toujours été bien supérieurs aux nôtres, mais, depuis soixante ans, la France et l’Europe ont choisi d’investir de manière ciblée dans le secteur. L’Europe est ainsi devenue un incontestable champion dans de nombreux domaines : les grands industriels français des télécoms remportent la quasi-totalité des appels d’offres ouverts dans le monde, le programme Copernicus d’observation de la Terre est un immense succès, Galileo permet à trois milliards d’utilisateurs de se positionner avec une précision inégalée, la France, avec le Centre national d’études spatiales (CNES), est à bord de toutes les missions américaines vers Mars.

S’agissant des lanceurs, le développement d’Ariane-6 représente un enjeu stratégique pour l’Europe de première importance et ce nouveau lanceur, avant même d’avoir volé, connaît déjà un succès commercial exceptionnel qui en fait le seul véritable concurrent de SpaceX. Mener à bien le plus rapidement possible Ariane-6 reste donc une très grande priorité du CNES et de tous ses partenaires européens.

Nos grands industriels nationaux, les équipementiers, les PME et les laboratoires publics représentent à eux seuls la moitié de l’activité spatiale européenne, avec plus de soixante-dix mille emplois ! Le futur se prépare aussi avec une nouvelle génération d’entrepreneurs, qui aborde le spatial avec de nouveaux outils et de très grandes ambitions. En France, c’est ainsi qu’une entreprise du « new space » se crée chaque semaine pour développer de nouveaux produits bon marché destinés au lancement de satellites, à la surveillance du trafic, à la production et à l’exploitation des données spatiales, etc. Il est essentiel que les agences spatiales se mobilisent pour soutenir efficacement ces nouveaux entrepreneurs et qu’elles les associent pleinement aux grands programmes spatiaux.

Dans quelques jours, les ministres des vingt-deux pays européens de l’ESA vont décider des programmes et des financements de l’agence. C’est un moment crucial pour l’Europe et, en son sein, pour notre pays. La première ministre a annoncé, le 18 septembre, que la France allait consacrer 9 milliards d’euros au spatial dans les trois prochaines années, soit 25 % d’augmentation au regard de 2020-2022. Cet investissement considérable permettra au CNES de mener les programmes spatiaux de défense avec la direction générale de l’armement pour le compte de nos armées, de soutenir nos grands industriels comme nos start-up et de contribuer à des grandes missions scientifiques avec les agences américaines, japonaises ou indiennes. Il permettra également de financer, dans le cadre de l’ESA, les grands programmes structurants de la coopération européenne, en particulier en ce qui concerne l’observation de la Terre pour le climat.

La France est au rendez-vous du spatial et elle sera au rendez-vous de la prochaine conférence ministérielle de l’ESA des 22 et 23 novembre.

Philippe Baptiste est président-directeur général du Centre national d’études spatiales depuis avril 2021.

“Cet enjeu d’Araine 6… véritable concurrent de Space-X” : la juxtaposition de termes semble être su la défensive et mérite sérieuse réflexion.

Updated/maj. 21-11-2022

Vues : 12