Olivier s’est envolé

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Il est près du journal de 20H. Dieu merci, je ne l’ai pas appris par Facebook. Non, un coup de fil de mon fils, “une mauvaise nouvelle”, dit-il, lui-même ayant eu un message d’une amie et directrice de France 3. Inutile de dire que ce soir, je me suis dispensé de toute autre information.

En 1974, j’aurai pu entrer à France 3 à la Cépière, mais j’ai fait le choix de Sud, rue Caraman. Mais au cour des vingt prochaines années, c’est comme si on avait été collègues de travail. Pas dans la même rédaction, mais sur le terrain de notre passion commune. Une de nos passions, car comme tout journaliste il s’intéressait à tout.

Nos chemins ont suivi les même pistes, celles de Blagnac et l’allée qui mène vers le gobe terrestre à l’entrée du Centre Spatial de Toulouse. Aviation et espace qui nous ont conduit, lui avec sa caméra, moi avec mon micro à voyager à travers l’Europe, et encore plus loin. Premiers vols ou livraisons d’Airbus, missions de reportages vers Rochambeau. Nous en avons “testé” des appareils, et senti nos poumons vibrer aux décollages de Ariane.

Nos vies personnelles se sont plus que croisées. Particulièrement en Guyane. En 1990, mon fils, jeune écolier du Caousou, avait “marché pour Cacao” le long du Canal du Midi avec des centaines de ses amis, récoltant des fonds pour reconstruire l’école du village Mhong. J’avais organisé avec Air France un voyage de presse pour que deux enfants y apportent le chèque, Sud Radio, la Dépèche du Midi et France 3 avaient été de la partie.

Le reportage d’Olivier Loubet, avec Selim Farès à la caméra, rappelle un point cardinal, orientant la vie de mon fils, sa première découverte de la Guyane où il a débuté sa carrière à RFO, Cayenne, puis Saint Laurent du Maroni. Puis son amour au Brésil. Ciment également avec Olivier. Il y a quelque jours seulement, Nicolas me repassait sur Facebook le reportage qu’avait diffusé France 3 Toulouse.

Merci mon collègue et ami Olivier!

Nos chemins se sont également rencontrés au village ariégeois du Port, où la famille Loubet a vécu, et où la marraine de notre fille a une maison. Olivier adorait les Pyrénées. Les images, des monts blancs et des paysages panoramiques prises au Pic du Midi – où nous avions passé une nuit, bloqués par la météo, en compagnie du Ministre Hubert Curien… ces images, il les partageait sur Facebook. tout comme celles de Toulouse ou Bordeaux. Il y a quelques jours, une photo personnelle de la Garonne en crue. Il y a quatre jours, le déneigement au Port d’Envalira.

Il avait commencé sa carrière au SIRPA, service de communication de l’Armée de l’Air. Il en avait été très fier. Ces dernières années, il partageait sur Facebook des témoignages sur l’histoire de l’aviation, ancienne et plus récente. Celles de Concorde, des A300, des ATR. Au fil des années, nous “fêtions” ensemble les grands événements de Airbus, premiers vols de le l’A380 et bien la triste abandon du programme. Nous avions chacun couvert le crash du Mont Saint Odile et de l’A340 à Blagnac.

Sans fanfaronnerie, Olivier était un “spécialiste”, gérant des dossiers techniques et politiques avec une grande rigueur, sa voix, et ses images faisaient référence. Sur Toulouse, nous étions, avec Yves Marc de la Dépêche du Midi des acolytes à qui l’ont ouvrait facilement les portes. Tout comme mon chère ami Dominique Detain l’était en Guyane, puis à France 3. Nous étions tous membres de l’AJPAE, l’Association des Journalistes de l’Aéronautique et du Spatial.

Nous avions été ensemble et séparément aux centres de “pèlerinage” du spatial. Cap Kennedy et pour les lancements de Baïkonour. Un soir, il y a 40 ans, chacun dans sa rédaction, abasourdis par la désintégration de Challenger, nous rédigions l’un et l’autre nos papiers avec témoignages pour les journaux du soir.

Nous partagions nos souvenirs des grandes figures de l’aéronautique et du spatial. Que ce soit Roger Béteille, Jean-Marie Luton, André Turcat Henri-Paul Puel, Charles Bigot, tant de patrons que Olivier et moi avions interviewé tant de fois, au Salons du Bourget, ou aux sièges des sociétés et organismes du secteur aérospatial. Nous échangions, il y a quelques semaines, nos impressions sur les activités spatiales d’aujourd’hui, sur la privatisation du secteur aux États Unis, sur la “folie” des succès de Elon Musk par exemple.

Une vingtaine d’années ensemble sur Toulouse, on s’est un peu perdu de vue, lors des années d’Olivier à France 3 Nice Côte d’Azur. Mais en se “retrouvant” sur le réseau social en 2014, la relation était intacte et a pris une autre ampleur. J’ai appris à connaitre l’Olivier plus profond, exprimant son immense amour paternel pour ses enfants et surtout Marie Emilie, pour les tous les animaux et notamment son chien, compagnon de sa solitude et de maladie. Régulièrement, il offrait des citations de réflexions sur les tournures de nos vies. Il avait sa page Facebook, mais il était très lucide, reprenant les phrases de Umberto Eco : “Les réseaux sociaux ont donné le droit à la parole à des légions d’imbéciles qui avant ne parlaient qu’au bar et ne causaient aucun tort à la collectivité. On les faisait taire tout de suite. Aujourd’hui ils ont le même droit de parole qu’un prix Nobel.”

La tristesse, voir la dépression, se lisaient à travers ses partages. A part son immense respect pour Dominique Baudis, et sa tendance à gauche mais sans concessions, je connaissais pas auparavant ses réflexions personnelles ou ses idées politiques. Obligation sans doute encore présente de sa carrière d’un journaliste dans le prisme public.

Jusqu’à la fin, un homme au grand cœur. Mais avec l’âge, les pensés d’Olivier sont devenues très vives, et énervées, par exemple au sujet de la gestion de la pandémie et surtout sur Emmanuel Macron. Ces dernières années on le sentait balloté en fin de carrière. Il se sentait abandonné par certains de la direction. Il s’amusait aussi, à mon égard, à vilipender Boris Johnson, et la folie du Brexit. Un affichage sans détour de ses idées politiques que je ne connaissais pas, alors qu’il était, bien plus discret, lors de l’élection de François Mitterrand

A sa famille, à ses collègues de France Télévision, à ses nombreux amis personnels (sans oublier les milliers de téléspectateurs qui le voyaient présenter quotidiennement les journaux télévisés), je partage ma grande tristesse. Olivier Loubet a été une relation “essentielle” et a été une grande partie de ma vie. . Trop tôt, c’est un envol prématuré.

Never, never, you say… but never it ain’t happened yet. At least, for the foreseable future.” (Ed Harris, dans le film Apaloosa).


Updated/maj. 01-02-2021

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