Malraux méconnu

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Maurice Jarnoux (Français, 1907-1969), André Malraux sélectionnant les photographies pour Le Musée imaginaire, Paris, 1954

Cette photographie de Maurice Jarnoux, publiée dans Paris-Match en juin 1954, montre Malraux « au milieu de ses photographies (…) comme s’il entreprenait une immense réussite » . Debout dans son salon à Boulogne, celui-ci est occupé à rassembler et à confronter, à juxtaposer et à opposer, les immenses tirages argentiques et les épreuves en feuilles du Musée imaginaire de la sculpture mondiale.

Le Musée imaginaire, publié entre 1952 et 1954, est composé de trois albums de plusieurs centaines d’images, qui sont elles-mêmes encadrées d’une introduction de Malraux et de brèves notices documentaires rédigées par des spécialistes. C’est une étape importante dans la vaste et sinueuse entreprise éditoriale de Malraux, débutée en 1947 avec la Psychologie de l’art, et arrivée à son terme avec l’Intemporel. Malraux annonce solennellement, en introduction au premier volume : « Je tentais de constituer un musée imaginaire. » Ce faisant, il emploie, de façon éclatante, la photographie et ses pouvoirs de « métamorphose » pour offrir sa vision de la création artistique et pour « nous [mettre] en face de l’héritage plastique du monde ».

L’image de Paris-Match met au jour ce rapport inédit de Malraux à la reproductibilité qui est l’une de ses principales innovations. Malraux exploite en effet toutes les astuces de la mise en scène pour livrer à la lumière la fabrique de son Musée imaginaire. Il dévoile, selon un dispositif signifiant, les moyens et les mécanismes mis en œuvre pour faire surgir du livre un nouvel univers de formes mobile et modulable.

Éditeur et iconographe, avant d’être écrivain, Malraux porte un intérêt tout particulier à la fabrication des livres. Il a le souci de parfaire le dialogue entre image et texte, ainsi qu’entre les images elles-mêmes. Clara, son épouse, se souvient que le soir, « son compagnon étalait sur le vaste plateau… des papiers recouverts de caractère d’imprimerie, d’ornements typographiques, d’illustration ; après quoi, muni de ciseaux et d’un pot de colle, il montait des livres, comme une couturière une robe. » Dans les années 1920, Malraux réalise des ouvrages illustrés et expérimente le travail de maquettiste, puis devient directeur artistique chez Gallimard. C’est à cette période qu’il propose, avec audace, à un jeune photographe, Roger Parry, l’illustration de Banalité de Léon-Pargue Fargue, ouvrage cardinal dans l’histoire des livres de photographies. Les deux hommes nouent alors une complicité qui se prolonge dans les années 1940 lorsque Malraux sollicite Parry pour la conception graphique et le traitement des prises de vue de ses écrits sur l’art. C’est que Malraux élabore, d’un ouvrage à l’autre, une écriture visuelle qui devient, progressivement, une véritable théorie de la reproduction.

Updated/maj. 08-05-2022

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