Je pourrais dire que c’est grâce à la méditation que je tiens. Mais ce serait un mensonge. Je tiens grâce à mon café.
A 13h30, je fais mon café. Il y a dix minutes la cuisine était un carrefour énervant d’assiettes après le déjeuner, les propres à sortir du lave-vaisselle, les sales à ranger. Toujours du travail domestique à faire. Je rumine “mais comment font les autres pour tenir, j’en peux plus de tout ce travail domestique qui s’enchaîne, qui ne s’arrête jamais, qui se répète”. Ranger, ranger, ranger. Mais maintenant, à 13h30, la cuisine est propre et calme. Le plan de travail lisse. L’orage qui grondait en moi un souvenir. C’est bon, l’installation peut commencer. Je sors.. Cafetière italienne. Boîte en alu qui contient le café. Bocal de sucre roux. Lait riz noisette. Je les aligne sur le plan de travail, patiemment.
Seul le café m’arrête. Parce que je veux tenir la tasse entre mes mains pour les réchauffer, et alors mes mains s’arrêtent de travailler.
Pourquoi tu me fais cet effet-là ? Tu es le goût impensable, qui fait sens pour tout le monde. Tu es amer, tu colles au palais puis tu racles la gorge. Tu laisses derrière toi un goût piquant et omniprésent, comme la fumeuse qui garde l’odeur du tabac sur ses vêtements, tu laisses le goût du café dans ma bouche. Je ne savais pas que je voulais garder un goût acide étrange dans la bouche toute l’après-midi, j’aurais plutôt parié pour un goût fleuri et sucré. Flatteur. Et pourtant, non. C’est toi que je veux. Qui es tu et comment fais-tu ça ?
Tu me pousses aux toilettes. Tu me déshydrates direct. Et certains jours, tu me donnes une tachycardie deux heures après t’avoir bu. Je sens mon cœur cogner vite dans ma poitrine, j’ai la tête qui tourne, ça va pas du tout. Mais là tout de suite, regardant dans ma tasse le liquide brun épais, sentant mes mains chaudes et humides, c’est sûr que je vais te boire jusqu’à la dernière goutte. Mon café.
Dans toutes les joies, mes tâches et mes frustrations de la journée, tu es ma constante. Le truc que je serai heureuse de faire. Tu es la cuisine qui est propre. Tu es le livre que je lis souvent en te buvant. Tu as le goût de l’âge adulte, amer.
Updated/maj. 21-11-2021
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