Décoller sans dégâts

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Il y a trois mois nous avons commencé à construire une grande plaque d’acier, à refroidissement par eau, à mettre sous la table de décollage. Nous n’étions pas prêts à temps et nous pensions, à tort, que le béton Fontag résisterait pour un lancement.

Elon Musk fait son méa culpa après la tentative de vol de son Starship le 20 avril denier, qui en décollant a sévèrement endommagé sa table d’envol.

Déjà lors de l’essai statique du premier étage en février, les 33 moteurs Raptor – poussés à 50% de leur puissance – avaient considérablement détruit le béton du sol, un béton spécial, le Fontag (qu’on peut acheter dans le commerce!), un mélange d’agrégats de synthèse, très denses, et non-poreux, mélangés avec l’alumine de ciment.

Mais de nombreux observateurs estimaient qu’une tentative de décoller d’un tel système, et à 90% de puissance, était voué à l’échec. SpaceX le reconnaissait en disant que l’essai serai “un succès si le Starship réussissait simplement à décoller sans destruction de l’air de tir“. Le vol fut un échec quand en altitude l’ensemble se mit à tournoyer, incontrôlable.

Mais l’origine de ce vol avorté résiderait bien dans les dégâts subis justement lors des premières secondes de la mise à feu. D’importants morceaux de béton ont été projetés vers la baie des 33 moteurs Raptor-2. Leur souffle a soulevé d’immenses nuages de poussière, et plusieurs secondes se sont écoulés avant que l’ensemble s’élève et dépasse cet épais nuage.

En regardant de près les vidéos de ce départ, on voit qu’au moins trois moteurs ne fonctionnaient pas et que l’ascension n’était pas strictement vertical, et que le lanceur glissait légèrement, “en crabe”. Miraculeusement du côté opposé à la grande tour de service.

Elon Musk veut croire à un prochain vol dans “un ou deux mois“. Il a déjà “en stock” un première étage Super Heavy, (“de nouvel génération” notamment sans commandes hydrauliques – qui apparemment ont failli lors de l’essai du 20 avril) et plusieurs Starship sont déjà assemblés.

Mais le pas de tir mérite une attention toute particulière. Une nouvelle table serait en cours d’achminement depuis la Floride. C’est sous celle-ci que serait installé le dispositif de plaque métallique.

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Dès les premiers vols d’Ariane, les pas de tirs à Kourou ont tous fonctionné avec des carneaux et déluges d’eau. Ici ELA-3

Ce système a déjà fait ses preuves en 2010 lors du développement de Morpheus, programme d’engin à décollage et atterrissage vertical de la NASA. Plusieurs plaques, recouvertes de peinture ablative étaient capables d’absorber la chaleur et le souffle du moteur. Selon Phil Metzger, ingénieur sur le projet de la NASA et spécialiste des matériaux utilisés sur les pas de tir, l’idée de SpaceX de refroidir leur plaque d’acier avec de l’eau serait “géniale” (post sur Twitter le 22/4)

Selon un ancien dirigeant de SpaceX à la retraite un déflecteur refroidi à l’eau pourrait être installé en 4 à 6 mois.

L'engin Morpheus de la NASA

Il reste cependant le bruit intense. Le premier essai de Morpheus fut un échec quand l’engin se désintégra à cause du choc acoustique. Et c’est en construisant un déflecteur de son dans un carneau que l’engin put réussir ses vols suivants.

C’est un aspect essentiel car sans protection acoustique, l’engin ou lanceur, subit lors de la mise à feu de ses moteurs, une onde de pression acoustique très forte, même supersonique. (Ce que la NASA appelle “Initial OverPressure”). 

Cette onde génère des vibrations qui remontent le long du fuselage du lanceur. Lors du premier vol de la Navette, la catastrophe avait été évité. Le choc acoustique avait atteint ses élevons et ce n’est que grâce à un déluge d’eau que Columbia pu décoller.

La navette Columbia sous un déluge d'eau

Même après cette phase initiale d’allumage des moteurs, leur flux génère par turbulence encore beaucoup de bruit qui est également réfléchi par les surfaces du pas de tir et fait vibrer le lanceur.

Qu’il n’y ait pas eu de conséquences acoustiques lors du décollage et vol initial du Starship témoigne de la grande solidité de ses structures de dimensions exceptionnelles.

Sources : SpaceX, Phil Metzger, NASA – Photos: SpaceX, NASA et CNES

Updated/maj. 22-04-2023

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