Big Bang, chimérique origine

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Autant le dire tout de suite : on ne sait toujours pas, une fois la lecture du livre achevée, si Dieu existe ou non. A rebours de quelques événements éditoriaux de ces derniers mois – certains relevant de l’imposture la plus épaisse -, le projet d’Etienne Klein dans son “Discours sur l’origine de l’Univers” n’est pas de considérer le Créateur comme la racine putative d’une cabalistique équation. C’est même précisément l’inverse. Le physicien montre comment la question des origines – ou plutôt de l’Origine – n’a pas de solution au sens de la physique. Il raconte aussi comment cette obsession d’un moment zéro présumé, si commode pour les esprits judéo-chrétiens, travestit l’image de la science dans le grand public.

Car, pour le béotien, cette affaire de commencement semble bel et bien réglée, depuis longtemps. Ne parle-t-on pas, depuis de nombreuses années, de ce fameux Big Bang, cette gigantesque déflagration originelle, intervenue il y a quelque 13,7 milliards d’années ? L’Univers entier se concentrait alors dans un espace nul pourvu d’une énergie infinie… Tout serait parti de cette singularité “initiale”. Hélas – ou heureusement -, les choses ne sont pas aussi simples.

Car, écrit Etienne Klein, “même si une certaine vulgate disant le contraire continue de courir, le temps de l’Univers n’est pas passé par le célébrissime instant zéro qu’on associe communément et abusivement au Big Bang”.

Pour comprendre, il faut remonter le temps. D’une plume vive, Etienne Klein emmène son lecteur vers les contrées de l’espace et du temps les plus proches de cet instant présumé initial. En ces lieux, les équations de la physique cessent de fonctionner : au-delà du fameux “temps de Planck” (10 – 43 seconde), tout devient caduc. Face à ce “mur de Planck”, la science est aveugle. Elle ne peut se figurer ce qui se cache derrière, qui est précisément l’aspect de l’Univers primordial, où “la matière était furieusement agitée, affolée de manière paroxystique”.

Les chercheurs ne rendent pas les armes pour autant. Etienne Klein aborde ainsi, avec une poésie badine qui ne rechigne pas à jouer avec et sur les mots, les travaux marquant de ces dernières années, dont l’objectif est l’érection d’une théorie d’unification.

Les physiciens disposent aujourd’hui de deux grandes théories. La première, dite de la relativité générale, serait comme un ample navire capable de franchir de grandes distances, d’aborder les vagues puissantes de l’océan. L’autre, l’ensemble des théories qui fondent la physique quantique, serait un minuscule esquif capable de naviguer paisiblement à la surface d’une gouttelette d’eau. Ce que les physiciens théoriciens recherchent avec ardeur, c’est le bateau unique qui pourra s’adapter à toutes les conditions de navigation. Et nous emmener vers l’Univers primordial, nous rapprocher de ce “début” dont nombre de chercheurs pensent qu’il a en réalité tous les traits d’une transition…

Cette quête, que raconte Etienne Klein, est l’une des grandes aventures intellectuelles du siècle en cours. L’auteur la débarrasse de son inquiétant jargon et la donne à voir simplement, sans jamais faire accroire qu’elle nous donnera la clé de l’origine. Car, passés au crible de la physique, les mots par lesquels se pense un commencement se parent de significations baroques. Ils nous échappent. Ils nous rappellent au contraire la vanité de la question.

[Le Monde, “Discours sur l’origine de l’Univers”, Etienne Klein, Flammarion]

Updated/maj. 27-11-2010

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