Bernard Nicolas – Interview

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Interview par Caroline Chaumet pour ©Audiens Le Média, avril 2020. (Cette interview a été réalisée avant la crise sanitaire du Covid-19).  Profil d’un journaliste d’investigation engagé et tenace, réalisateur de films documentaires remarqués depuis 25 ans.

Note personnelle et raison de cette reprise d’interview: Revu sur TF1, interviewé lui-même après l’attaque le 25 septembre 2020 devant le bâtiment de l’agence de presse Premières Lignes (anciens locaux de Charlie Hebdo).

J’ai très bien travaillé avec Bernard à Sud Radio Toulouse. Un excellent journaliste avec qui, avec le recul, je suis d’autant plus d’accord sur l’évolution des médias et la valeur d’un vrai journalisme, reflet d’une certaine approche à la vie – que je sentais déjà il y a bien des années“.

Bernard Nicolas pourquoi êtes-vous devenu réalisateur ?

Je suis devenu réalisateur sur le tard. J’ai fait beaucoup de radio pendant une douzaine d’années, et ensuite de la télévision, TF1, Canal Plus. À Canal, j’ai intégré le magazine d’investigation qui s’appelait “90 minutes”, au début des années 2000. J’ai vraiment pris goût à l’enquête au long cours, et progressivement au documentaire, mais toujours dans le domaine de l’investigation. Ça a été un parcours presque normal pour un journaliste, un reporter de terrain au départ, devenu aujourd’hui réalisateur. 

Quelle est votre formation initiale ?

J’ai d’abord fait des études de sciences politiques, puis j’ai intégré l’École Supérieure de Journalisme de Lille où j’ai été formé au journalisme avant d’intégrer une rédaction en radio. Je partais en reportage avec mon Nagra sur l’épaule, à la recherche des informations pour les rapporter aux auditeurs. Ensuite, assez naturellement, je suis allé vers la télévision. 

Pourquoi cet intérêt particulier pour l’investigation plutôt qu’une autre forme de documentaire, de reportage ? 

Parce que je me suis assez rapidement aperçu des limites du “news”. Le côté instantané des informations, on en voit les dérives avec les chaînes d’info qui font la course à l’information, “c’est nous qui devons sortir l’info les premiers” …  et pas toujours vérifiée. C’est très important de pouvoir prendre le temps, c’est un luxe. Les budgets des documentaires, jusqu’ici, nous aident à prendre ce temps. Je pense qu’une information vérifiée, solide, c’est indispensable pour arriver à recouper les éléments, pour voir si les informations sont convergentes, pour aller vers ce que l’on peut appeler “la vérité”.
C’est aussi un privilège de pouvoir prendre le temps avec les témoins. Pour moi c’est fondamental. J’ai souvent coutume de dire que je ne fais pas que passer dans la vie de mes témoins, je reste au contact, même après, avec eux. Je considère qu’on n’a pas le droit d’utiliser les témoins comme on presserait un citron et que l’on jetterait ensuite lorsqu’il n’y a plus de jus.
Acquérir la confiance du témoin, ça prend du temps et ensuite pouvoir récupérer son savoir, ses informations pour faire le meilleur documentaire possible. Après c’est une question de mise en image, de réalisation, mais j’essaie d’être accompagné par les meilleurs pour la fabrication des images.
Ça n’a pas toujours été très facile mais aujourd’hui je suis content de pouvoir le faire. 

Qu’est-ce qui détermine vos choix de sujets ?

Je crois que je suis très à l’aise dans les sujets de société qui font notre vie. Par exemple les sujets de santé publique m’intéressent beaucoup, récemment les dysfonctionnements au sein des hôpitaux publics. On y avait travaillé il y a 3 ans déjà. On a fait deux films (« CHU de Grenoble : la fin de l’omerta » et  « CHU de Strasbourg : l’art du camouflage ») et un livre (« Hôpitaux en détresse, patients en danger »). On avait sans doute raison avant l’heure. Aujourd’hui on est en pleine crise de l’hôpital public, ce qu’on écrivait déjà il y a 3 ans. Donc ces sujets m’intéressent beaucoup. 
Quand on travaille sur l’hôpital public, que des médecins nous racontent à quel point ils ne trouvent plus de sens à leur travail, que la gouvernance de l’hôpital dans lequel ils exercent est complètement pathogène, je les écoute d’abord avant d’aller voir techniquement comment ça dysfonctionne. Donc c’est chaque fois l’humain qui m’intéresse d’abord.  

La réduction des canaux de diffusion dans le documentaire a-t-elle changé votre façon de travailler ?

Certains magazines dédiés à l’investigation ont hélas disparu, donc mon travail de recherche d’informations, d’écriture de projets sur papier d’abord et par bonheur parfois en tournage n’a pas changé, simplement c’est de plus en plus difficile de trouver un créneau. On sait toujours que c’est le diffuseur qui décide au final, les maisons de production se battent, pour celles qui veulent faire de l’investigation. Mais ce n’est pas facile, il y a une grande concurrence parce qu’il y a beaucoup de sociétés de production qui essaient de faire du magazine d’enquête, de l’investigation, mais les diffuseurs sont de moins en moins nombreux. 
Quand vous avez la chance d’en “caser un”, si je puis dire, vous êtres très heureux. J’ai été producteur pendant quelques années de ma propre société, c’était une gageure de fonctionner. Il fallait écrire une dizaine de projets pour avoir la chance d’en voir un se concrétiser. C’était une énergie folle, c’est pour cela qu’au bout de quelques années j’ai arrêté et me suis concentré sur ce que je sais faire le mieux, l’écriture de mes projets. J’ai fait confiance à des sociétés solides et qui ont l’oreille des chaînes. C’est important. Donc ma façon de travailler n’a pas changé ce sont les diffuseurs qui ont changé.

Diriez-vous aujourd’hui que le ratio projets proposés aux diffuseurs / projets mis en production a changé ? 

Je dirai que c’est la même chose aujourd’hui mais à l’époque je devais faire vivre une société. Cela m’était imposé, il fallait que je produise.
Aujourd’hui, je peux me permettre ce luxe de choisir les thématiques sur lesquelles je veux travailler. En ce moment j’ai trois ou quatre projets en écriture, plus ou moins aboutis. J’estime que ce sont des idées intéressantes pour un documentaire d’investigation mais il y a fort à parier que deux ne se concrétiseront jamais. Mais c’est la règle du jeu, on le sait. Il faut écrire beaucoup pour voir un film à l’antenne.

Quelle est votre actualité ? 

En ce moment je travaille sur un film sur la radicalisation, c’est un sujet sur lequel je m’étais peu penché en tant que journaliste enquêteur et qui m’intéresse beaucoup. On est dans l’actualité puisque Emmanuel Macron a annoncé des mesures pour lutter contre ce qu’il appelle le séparatisme, prôné par certains islamistes radicaux en France. On sait hélas ce qu’il y a parfois au bout, soit c’est le Jihad à l’étranger soit les attentats en France. Je travaille aussi sur d’autres sujets dont je ne peux pas parler maintenant. 
Récemment j’ai réalisé un film de 90 minutes pour Arte “Homothérapies : conversion forcée” (qui est une longue enquête menée dans cinq pays sur ces groupes catholiques ou évangéliques qui veulent modifier l’orientation sexuelle des homosexuels. C’est un film qui a très bien marché parce que le sujet était inédit. Quand je l’ai proposé à Arte, tout le monde était stupéfait qu’aujourd’hui, au XXIe siècle alors qu’il s’agit de pratiques du moyen-âge, des gens tentent de modifier l’orientation sexuelle des homosexuels. C’est un film qui m’a beaucoup marqué et qui représente deux ans de travail.

Savez-vous combien de films vous avez réalisé ? 

On m’a demandé récemment de mettre à jour mon CV, je pense que tous formats confondus, j’ai dû faire une quarantaine de films en 25 ans.

Films et livres 

Auteur ou co-auteur d’une quarantaine de documentaires et enquêtes

Quelques exemples :
2019 : « Homothérapies,conversion forcée » – 94’- (ARTE)
2019 : « CHU de Strasbourg, l’art du camouflage » avec Caroline Chaumet – 60’-  
(financement participatif). En accès libre sur YouTube
2018 : « CHU de Grenoble, la fin de l’omerta » avec Caroline Chaumet – 26’- (financement participatif). En accès libre sur YouTube
2017 : « Robert Boulin, révélations sur un crime d’Etat » avec Benoit Collombat – 63’- (En-voyé spécial – France 2)
2016 : « Riviera nostra » avec JM Verne – 52’- (France 3)
2015 : « Cévennes, révélations sur une pollution cachée » – 52’- (Pièces à conviction –
France 3)
2014 : « Prisons ouvertes, un pas vers la réinsertion ? » – 90’- (ARTE)
2014 : « Lyme, l’épidémie invisible » – 52’- (Canal +) avec Benjamin Nicolas
2013 : « Légionnaires du Christ, un scandale au Vatican » avec Linda Salas Vega – 52’- (Canal +)
2013 : « Centrales nucléaires, démantèlement impossible ? » – 70’- (ARTE)
2011 : « Médiator, histoire d’une dérive » avec Kader Bengriba – 52’- (ARTE)
2010 : « France télécom Orange, malade à en mourir » – 52′- (ARTE)
2010 : « Les apprentis sorciers de France télécom » avec Jacques Massard -35′- (Envoyé spécial) (Prix spécial du jury « Festival du scoop d’Angers »)
2009 : « Attentat de Karachi, enquête impossible ? » – 52’- (Canal +)
2009 : « Affaire Dany Leprince, contre-enquête sur un quadruple meurtre » – 55’- (Canal +)
2008 : « Guy-André Kieffer, un journaliste qui dérangeait » – 52′- (Canal +)
2007 : « French connection, les rois de la came » – 52′- (Canal Plus)
2007 : « Assassinat du juge Borrel, une affaire française » – 52′- (Canal Plus)
2006 : « Nice, quand la justice protégeait les voyous » – 40′- (Canal Plus)
2005 :   Documentaire-fiction sur l’Ordre du Temple solaire – 90’- (France3) 
2004 : « Le scandale du vaccin Hépatite B » – 40′- (Canal Plus)
2003 : « JFK, autopsie d’un complot » – 52′- (Canal Plus)
2003 : « Papa Schuller est de retour » – 40′- (Canal Plus)
2002 : « Juge Borrel, révélations sur un suicide impossible » – 40′- (Canal Plus)
2001 : « Robert Boulin, le suicide était un crime » – 44′- (Canal Plus) 
(Prix spécial du jury Festival du scoop d’Angers)
2000 : « Mairie de Paris, la fin de l’omerta » – 40′- Magazine “90 minutes” (Canal Plus)
1998 : « L’homme qui parle aux lions » – 52′- (Grands reportagesTF1)
1997 : « Ordre du Temple solaire, le drame du Vercors » – 52′- “Droit de savoir” (TF1)
1997 : « La justice face aux pédophiles » – 90′- “Droit de savoir” (TF1)
1996 : « Sectes: embrigadement criminel » – 52′- “Droit de savoir” (TF1)
1995 : « Le messie du Mandarom » – 52′- “Droit de savoir” (TF1)
1994 : « L’Ordre du Temple solaire » – 90′-“Droit de savoir” (TF1)
1993 : « Contre enquête Airbus d’Habsheim » – 52′-“Droit de savoir” (TF1)
1992 : « L’affaire Dominici, 40 ans plus tard » – 26′- “Reportages” (TF1)
1992 : « L’affaire du sang contaminé » – 90′-” Droit de savoir” (TF1)
1991 : « Maman est en prison » – 26′- “Reportages” TF1
1990 : « Titanic, 78 ans sous les mers » – 52′- “Grands reportages” TF1

Auteur ou co-auteur de livres

« Hôpitaux en détresse, patients en danger » (avec Eric Maitrot, Pr Halimi, Pr Marescaux  (2018) Flammarion
« Moi ancien Légionnaire du Christ, 7 ans dans une secte au cœur de l’Eglise » (avec Xavier Léger) (2013) Flammarion
« Ils ont failli me tuer » Dans l’enfer de France Télécom  (avec Vincent Talaouit) (2010) Flammarion  
« Un juge assassiné » (avec Elisabeth Borrel) (2006) Flammarion
« Ordre du Temple solaire, les secrets d’une manipulation » (avec Gilles Bouleau et Arnaud Bédat) “(2000) Flammarion
« Les chevaliers de la mort » (1996) (avec Gilles Bouleau et Arnaud Bédat) Editions TF1
« Mandarom, une victime témoigne » (1995) (avec Florence Roncaglia) Editions TF1

Updated/maj. 26-09-2020

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